Le rocher d'Abraham

Article paru en avril 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Une formidable aventure. Cette randonnée, d'aspect insignifiante au départ, se termine en apothéose lorsque dans les derniers mètres, apparaît dans le ciel ardéchois, LE Rocher d'Abraham. Dans le paysage sublime dominant les monts d'Ardèche à plus de 1400 mètres d'altitude, l'immensité et le silence se confondent jusqu'à faire chavirer les cœurs. Situé entre la vallée de l'Ardèche et celle du Lignon, à la limite des communes de Mayres et de La Souche, le Rocher d'Abraham offre sans aucun doute le plus atypique paysage de l'Ardèche méridionale.

Pour découvrir cet endroit, la randonnée constitue une approche des plus captivantes. Le départ a lieu au col de la Croix de Bauzon, où les randonneurs peuvent parquer leur véhicule sur le terre-plein bordant le CD 19 conduisant à St Etienne-de-Lugdares. L'itinéraire débute de l'autre côté de la route, en direction des Pergeyres. Dès lors, il ne reste qu'à suivre la signalétique faite d'un panneau de bois, complété de marques jaune marquant les rochers. Un premier panneau indique la direction à droite : "Col d'Abraham - 4,2 km". Là, un sentier serpente entre les genêts, jusqu'au débouché sur la piste forestière. Au cours de cette ascension, le regard découvre peu à peu les immensités. De la pointe du Mont-aigu, aux premiers sommets des Alpes, le spectacle est grandiose. En cette journée, il faisait un temps exceptionnellement doux. Du haut de la crête, cheminant à "l'adreyt" (côté ensoleillé) sur une piste confortable, on peut admirer la mer de nuages couvrant la vallée du Rhône qui s'étend des contreforts des Alpes jusqu'aux aux Trois Becs chapeautant le Diois. Dans cette magnifique Ardèche, faite de silence et de solitude, on imagine ce paysage au printemps, lorsque les genêts couvrent la montagne. La marche se poursuit jusqu'à un premier carrefour de piste. Il faut continuer tout droit, en remontant jusqu'au prochain poteau de randonnée. Ici, il convient de suivre la direction indiquée : "Rocher d'Abraham. -2,7 km". Un panneau indique également une direction contraire, celle du Tour des poignets" conduisant à Thueyts.
Parmi les genêts en sommeil, la végétation basse abrite quelques bruyères et des plans de framboisiers sauvages. À cette altitude les grands arbres luttent pour se maintenir. Au sortir de la pinède, des fayards tortueux exposent leurs branches dénudées sur des troncs noueux.
Quelques pas seulement après le rocher du Foutouras... magique, grandiose, apparaît le Rocher d'Abraham. Un étroit sentier parfois encombré d'inopportuns blocs de pierre conduit au pied du massif.
Semblant déchirer le ciel, les granits austères épousent la douceur de l'espace. Le silence est total, à peine troublé par les "sonnailles" de quelques chèvres curieuses qui nous accompagnent jusqu'au sommet du massif. Grimpant avec agilité, les biquettes déambulent à la pointe du rocher défiant l'abrupt vertigineux. Les derniers mètres constituent quasiment une épreuve d'escalade, accessibles à des randonneurs chevronnés, des grimpeurs aguerris. Enivré par l'immensité, le regard accroche le Gerbier en pain de sucre, dont la taille paraît soudain ridicule. Puis le regard plonge dans des ravins ténébreux identifiant au loin quelques fermes et des granges oubliées. Insolite en ce lieu, une sculpture métallique de Pierre-Louis Chipon domine le sommet voisin.
Trois heures de marche (aller/retour) sont nécessaires pour découvrir le Rocher d'Abraham, admirer le spectacle et y puiser de fortes émotions. À l'arrivée il est possible de se rendre à la station de ski toute proche afin de se reposer et même d'y prendre un en-cas bien mérité.

---------------------------------

Pierre-Louis Chipon, le sculpteur de l'Escrinet a réalisé cette œuvre en 2009/2010 à la mémoire de Jean Gilly. Ce professeur de sport du lycée agricole d'Aubenas est décédé accidentellement en 2008. Ses nombreux amis et camarades sportifs avaient décidé de lui édifier un mémorial. La réalisation fut confiée à l'artiste qui a réalisé une sculpture métallique, grandeur nature, à l'effigie du personnage. L'œuvre d'un poids approximatif de 120 kg a été portée à bras depuis la piste jusqu'au sommet du rocher par plusieurs dizaines de personnes. Ce lieu du Rocher d'Abraham a été retenu par les amis Jean Gilly, parce qu'il affectionnait cet endroit où il avait, d'ailleurs, ouvert une voie d'escalade.
                                                                                                                  
- En été, un autre itinéraire s'offre au départ du hameau de "La Motte", en bordure de la RN 102, sur la gauche, un peu avant Mayres. L'itinéraire pentu suit le ruisseau d'Abraham jusqu'à sa source située au pied du rocher.
- La dénomination du mot "Abraham" serait pour certains une déformation du mot "Obron", ancien nom du rocher connu sous l'appellation "Ron d'Obron " (cette appellation figure encore sur certaines cartes d'état-major). Pour d'autres, comme l'écrivain Gaston Rey, ce terme serait un rattachement à la légende du retour du "parcours sacré" lorsque Joseph d'Arimathie aurait rapporté le saint graal en Europe, débarquant sur les côtes de Provence accompagné de Marie-Madeleine, Marie-Salomé, Marie-Jacobé... avant d'entamer en compagnie de Sarha la noire, un périple vers le centre de la France (passant probablement à proximité de Mayres), afin de gagner l'Angleterre, donnant naissance à une nouvelle légende, celle des Chevaliers de la Table ronde…
Avertissement :
Pour les puristes et les sportifs accomplis la randonnée jusqu'au Rocher d'Abraham se réalise habituellement depuis Mayres, dont le point de départ se situe près de la mairie. Quatre heures d'efforts (aller) sont nécessaires pour atteindre le sommet. En conséquence, cet itinéraire est à proscrire en saison automnale ou hivernale, la nuit pouvant surprendre sur le chemin du retour.
Texte et clichés : Bruno Auboiron