Le Pouzin

Article paru en février 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Sur la rive droite du fleuve, intimement lié à lui par des siècles d’histoire commune, Le Pouzin occupe une place de choix
sur la route de la Méditerranée. Légèrement à l’écart des grands axes de circulation, la petite ville cultive ses différences et un certain art de vivre, aussi.
 

Le Pouzin n’est pas une cité dédiée au tourisme comme on en rencontre beaucoup chez nous. Non, elle a choisi l’option industrielle, oui, mais toute proportion gardée, une industrie à taille humaine dont les installations se fondent au mieux dans le paysage, et servie par la présence du Rhône. Alors, finalement on s’y sent bien, entre le fleuve et les premières pentes calcaires.

La petite ville s’est développée au confluent de l’Ouvèze et du Rhône. Légèrement plus en amont, c’est la Drôme qui se jette dans le Rhône marquant la limite septentrionale de la commune. Quand on observe une carte, on ne peut s’empêcher de se poser une question : pour quelle raison la présence d’une enclave de l’Ardèche, en rive gauche du fleuve, en terre drômoise. Eh bien, ces quelques deux cents hectares étaient autrefois séparés par le cours du Petit Rhône, aujourd’hui asséché, et fort logiquement rattachés au Vivarais. L’eau disparue, la terre est restée ardéchoise. Et c’est principalement dans cette enclave que Le Pouzin affiche son identité industrielle. Et… de l’autre côté du fleuve, s’écoule la vie paisible d’un village.

Paisible, la vie ne l’a pas toujours été ici. Les anciens se souviennent avec anxiété et appréhension, des violentes crues du Rhône et de l’Ouvèze aussi. L’eau destructrice envahissait le village. Depuis l’élévation du barrage en 1961 par la Compagnie Nationale du Rhône pour la production d’électricité et la régulation du cours pour la navigation de commerce, ces crues ne sont plus qu’un lointain souvenir, et en période de mauvais temps, les habitants dorment sereinement. Comme toute cité se dressant sur un lieu de passage, Le Pouzin connut au cours des siècles, bien des destructions. Probablement bâtie initialement par les Romains, toutefois des études récentes assurent une présence humaine sur le site, remontant à plus de deux cent cinquante mille ans, détruite par les hordes de Vandales au Ve siècle, puis par les Sarrasins trois siècles plus tard. Devenue une importante place forte protestante, les armées royales, en route pour installer le siège de Privas, la dévastèrent et la brûlèrent en 1629. Enfin, dernières atteintes à son intégrité, pendant le mois d’août 1944, elle fut bombardée par les Américains et connut les représailles des Allemands en déroute. En fait, le dépôt d’essence et les ponts sur l’Ouvèze et le Rhône étaient visés par les bombardements, mais pas seulement, puisque les trois quarts de la ville furent détruits et on dénombra quarante-cinq morts parmi ses habitants.
Malgré toutes ces destructions, le pont romain à arche unique sur l’Ouvèze a miraculeusement franchi les siècles. Il fut autrefois jeté au-dessus de la rivière à l’endroit le plus étroit de l’étranglement de ses courtes gorges, à l’entrée du village. Il semblerait que sa construction soit datée du IIe siècle. Entièrement fait de petits blocs de calcaire, extraits localement, seules ses culées et sa voûte sont comme elles devaient l’être à l’époque gallo-romaine, son tablier ayant inévitablement connu des modifications et restaurations successives. Sa belle largeur, inhabituelle au regard des autres ponts, dont est conservée la trace, prouve que la circulation devait être conséquente en ce point de la vallée du Rhône.

De son passé de confession protestante, Le Pouzin n’a pu conserver son temple, détruit par les bombardements de la dernière guerre mondiale. Bien sûr, un nouveau pont fut construit en 1956, et deux ans plus tard ce fut au tour de l’église catholique Sainte-Madeleine d’être inaugurée. L’architecte Maurice Biny eut en charge la conception de celle-ci et prit le parti d’en inscrire l’architecture dans son temps, marquant le symbole de la renaissance de la ville, après les bombardements. Érigée sur l’emplacement exact de l’ancienne église, elle adopte pour l’époque un style résolument moderne qui fit et fait encore parfois débat. En marge de ces vaines polémiques, reconnaissons que l’atmosphère de paix et de calme ressentit à l’intérieur n’est pas moins de qualité, que dans une ancienne église romane à l’image de celle voisine de Meysse par exemple. Au titre de son architecture unique, l’église du Pouzin est inscrite au nombre des cent sites rhônalpins retenus dans le cadre des journées européennes dédiées au patrimoine et à l’architecture du XXe siècle.
Faisons quelques vers le promontoire rocheux de Rompon dominant le confluent de l’Ouvèze et du fleuve et au pied la petite ville pour un bond de géant dans le passé : ici s’élevait il y a quelque mille ans, un monastère bénédictin dépendant de l’abbaye de Cluny. Il accueillait une dizaine de moines. Le prieuré de Saint-Pierre-de-Rompon se nommait le couvent des Chèvres. Il n’en reste que ruines éparses et peut-être même que des bâtiments de l’époque gallo-romaine s’élevaient ici… autrefois.
Une association de sauvegarde du site travaille désormais à sa valorisation et depuis 2013 le couvent des Chèvres est membre du réseau de la Fédération européenne des sites clunisiens. Un gage de qualité.
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 www.lepouzin.fr
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron