En y regardant de près, l’assemblage de ces vieilles pierres grises parfaitement alignées nous interpelle. De ce modeste édifice se dégage un charme discret qui nous laisse songeurs devant l’immense tâche réalisée par les hommes d’autrefois. Comment ont-ils eu l’idée, ont-ils taillé, transporté et assemblé ces énormes pierres ?
Ce pont mégalithique constitue un superbe ouvrage de grès dont l’assemblage suscite l’admiration ; 16,40 mètres linéaires de pierres posées à l’horizontale reposent sur 11 piliers monobloc afin de permettre le franchissement du ruisseau du Masseloup depuis des siècles, peut-être des millénaires, car l’ouvrage n’a jamais pu être daté. Même si on le dit associé à la période des dolmens et autres menhirs, il résiste aux assauts du temps et se dresse aujourd’hui encore dans un remarquable état de conservation.
Le plus étonnant réside dans l’architecture de cet ouvrage dont les piliers ne sont ni enterrés, ni ancrés dans le sol mais reposent simplement sur la roche qui affleure cet endroit. Toute l’ingéniosité de la construction réside dans la taille de ces piliers, afin de les ajuster aux irrégularités du sol existant. Puis le haut de ces mêmes piliers a été taillé de manière à recevoir les blocs venant s’y poser à plat, le tout sur un même niveau. Pour pallier les difficultés du moment, deux des piliers ont été doublés au moyen de deux pierres juxtaposées, garantissant ainsi un équilibre parfait et offrant un passage aisé. Mais, si cette construction suscite notre admiration, un autre élément ne manquera pas de retenir l’attention du promeneur ; le charme discret et la douce atmosphère qui se dégage de cet écrin de verdure.
Il règne dans ce coin de campagne un climat de tranquillité né du décor naturel qui agrémente les lieux. Dans un orchestre féerique le ruisseau chantant s’accompagne du gazouillis des oiseaux où le geai dans son apparat de fête pousse sa stridente mélodie. Parmi les hautes herbes, des grenouilles craintives, dans un coassement sourd, accompagnent l’orchestre en jouant de la grosse caisse en sous-sol.
Aux premiers jours du printemps un tapis de marguerites sauvages se presse au spectacle où les papillons s’invitent. Les amoureux de vraie nature prendront un plaisir certain à explorer le ruisseau du Masseloup. Dans sa partie haute, les impressionnants frênes géants, centenaires oubliés, trônent fièrement, les pieds dans l’eau. Dans sa partie basse, l’impétueux ruisseau, si sauvage aux premières pluies d’automne, a été dompté ; son cours serpente désormais entre deux murs de pierre, admirablement taillées, dans ce lieu sauvage maintenant oublié des hommes. Sur les terrasses voisines, comme venue d’un monde imaginaire, une étrange forêt a pris possession des lieux. Frênes, hêtres, merisiers, noisetiers, pruniers et même des bambous dansent au rythme du vent pour offrir un spectacle de ballet auquel les spectateurs n’assistent plus. C’est dans ce cadre-là, que le singulier ouvrage du pont mégalithique sur le ruisseau du Masseloup nous suggère une jolie sortie en famille, afin de découvrir une des curiosités du patrimoine qui font toute la richesse de notre beau pays.