Le cirque d'Endieu

Article paru en octobre 2014
Mis en ligne en juillet 2022

Le sud de l’Ardèche cache un endroit dont la discrétion n’égale que la beauté. Entre le bois de Païolive et le plateau des Gras se love un joyau de vraie nature.

 


Entre les calcaires brûlants et les plateaux arides, le Chassezac a couvert son lit d’un ruban de jade exposant au soleil ses eaux cristallines aux reflets d’émeraude. Située à quelques kilomètres des Vans, au détour de chaque méandre, sous des falaises grises, une nouvelle fenêtre s’ouvre à nos yeux, offrant des décors de cinéma. La balade commence à partir des Assions. Depuis la route principale, une route à gauche permet d'aller jusqu'au parking de la Capitelle. En ce lieu, s'ouvre un autre monde. Mais voilà, ces merveilles sauvageonnes et rebelles ne s’offrent qu’à ceux qui savent  les regarder !

Place à la poésie
En bordure de la chaussée, une stèle est dressée en hommage au poète Jules Froment*. Sa force vaut tant par la qualité du texte en Occitan que par le travail de taille de la pierre dont l'artisan a gravé une à une chaque lettre, imposant aux assauts du temps sa propre identité. Tout près, une cabane en pierres sèches. Cette capitelle, refuge d’inspiration pour le poète, s’inscrit dans un décor digne des bergers de Durance. La bâtisse, bien que rectangulaire de par ses murs extérieurs, tient son originalité de sa forme intérieure circulaire, semblable à une borie. Le faîtage dentelé se découpe dans un ciel d'azur, rehaussant ses lignes harmonieuses telle une maison de poupée.

Commence la découverte.
Le long de la route, il est un véritable festival de nature. Les espèces végétales et animales se frôlent, se croisent, s’enchevêtrent, s’épousent et se séparent en une sarabande indescriptible. Un criquet Barbitiste fait la bronzette sur une feuille d'ailante. De douces aphyllantes bleues, garnissent le sol… Mais assez rêvassé, reprenons la route !  Arrivés au parking de Lagachou, un chemin nous amène jusqu’à la rivière. Parmi les calcaires éclatés et les buis géants, une tête fantomatique sculptée par Dame Nature, semble sortir de la roche. On devine la rivière… le Chassezac nous conduit jusqu'à Endieu. Tout le long du chemin, nous admirons de rudes et fières falaises. Le sentier suit la rivière jusqu’aux ruines d’Endieu. Face à nous, l'ancien moulin aux murs effondrés et au toit ravagé, témoigne du fléau de l'exode rural. Dans les caves voûtées des demeures abandonnées, on devine la vie d'autrefois ; ici la bergerie, là le cellier… nous nous accordons un moment, loin du bruit, dans ce qui est quelque part, abandonné. Sur le sentier, une cosse géante tombée d'un arbre voisin, un haricot d'Espagne, dont vous le savez les fèves, sont comestibles, nous rappelle qu'il est l'heure de la soupe. Alors, on rentre !
Au loin, à contre-jour, sur le haut de la falaise, l’intrigante citadelle de Cornillon se découpe dans les couleurs du soir. Mais, ce que vous ne savez pas encore, c’est que dans ce village abandonné une étrange malédiction a frappé le pays des «  Picouret ».
Alors, qui osera braver la sorcière et s'aventurer entre les ruines du village abandonné ?
Vous ?  Très bien, nous irons ensemble !  
 
Notes
* Dans Aygafort, oeuvre de Jules Froment (1918-1977), l’auteur, originaire des Assions, s’étonne qu’une implantation humaine ait pu prospérer dans un site aussi inhospitalier…
**L'aphyllante de Montpellier pousse par petites touffes dans les garrigues. Ses jolies fleurs bleu/mauve ont un goût bien prononcé de miel.
Le « Bragalou ou Barjavou » nom donné par les bergers, est une plante de 30 cm environ ressemblant un peu à un jonc.  Elle fleurit d’Avril à Juillet.

 
Texte et clichés : Henri Klinz