Le Cheylard

Article paru en septembre 2015
Mis en ligne en juillet 2022

Bâtie au fil des siècles au confluent de la Dorne et de l’Eyrieux, Le Cheylard est une petite cité à l’apparence calme. Elle vit au rythme des saisons et d’une activité industrielle parfaitement intégrée et toujours bien présente. Cette modeste ville est vraiment comme une respiration au cœur des Boutières.

Les Boutières, région montagneuse où l’agriculture s’exprime encore pleinement, se dresse en rive droite de la vallée du Rhône. Ce massif marque le rebord oriental du Massif Central et tire sans doute son nom des "boutes", tonneaux dans lesquels le vin de la vallée du Rhône gagnait les hautes terres d’Auvergne et du Velay. Et là, entre des replis de ce terrain fantasque, la petite ville tranquille du Cheylard a trouvé sa place, entre hivers rudes et étés torrides.

À peine stationnée sur l’une de ses places, cette cité invite le visiteur à la découverte. Au fil de la déambulation dans la vieille ville, les maisons avec leurs linteaux sculptés et leurs fenêtres à meneaux, les discrètes placettes, les passages couverts et détournés, les escaliers qui circulent de placettes en placettes ou encore les remparts du vieux château dont il subsiste deux tours visiblement remaniées, sont autant de surprises patrimoniales qui ravissent le regard. Sans oublier le portalon, porte des anciens remparts, les rares vestiges du château des Brions datant du XIVe siècle, le château Maza du début du XXe siècle. Ces vieux murs résonnent encore de l’importance de la religion protestante en ces lieux et dans l’histoire locale, comme en atteste la présence du temple de l'Église réformée. Les révoltes et les sièges de la ville furent nombreux pendant les guerres de religion. Les murailles de la ville furent même rasées, en 1621 et le château de la Chèze en 1632. Mais nous y reviendrons !

Au Moyen Âge cette seigneurie du Vivarais, l’une des plus importantes, connaissait déjà une intense activité économique. Outre ses grands marchés et ses foires renommées, au bord de l’eau vive s’étaient installées des tanneries et des mégisseries dont le travail du cuir était fort réputé, autant que celui produit par les ateliers d'Annonay. La comparaison est flatteuse. L'histoire du Cheylard fut donc fortement marquée par l'industrialisation et le développement de cette activité essentielle au XIXe siècle que fut la tannerie. Issu de cette activité première, le textile, la mécanique et même la bijouterie se développèrent au Cheylard et dans toutes les communes avoisinantes, dès lors que leur territoire offre de l’eau en abondance. Aujourd'hui, les tanneries ont fermé leurs portes, mais Le Cheylard exporte dans le monde entier les productions de ses usines dans les domaines du textile, des bijoux et de la mécanique de pointe. L’Arche des Métiers, espace dédié à la culture scientifique, technique et industrielle, en est la plus belle vitrine depuis dix ans.

Comme souvent ce développement industriel s’est accompagné de l’ouverture d’une voie ferrée et Le Cheylard devint même le centre du réseau de la compagnie de Chemins de Fer Départementale avec la création, en 1891, de la ligne de La Voulte par la vallée de l'Eyrieux, en 1902, de la ligne de Saint-Agrève à Dunières connectée par les Boutières, et, en 1903, la ligne de Lamastre à Tournon-sur-Rhône raccordée par les Nonières. Un jour funeste de 1968, le 31 octobre précisément, le réseau est fermé et les autorails s’immobilisent pour toujours.

Nommée un temps Aric, la ville du Cheylard, « Lo Chailaer » en Occitan, tire son nom du latin « castellum », autrement dit château. À juste titre car la ville et le confluent des deux rivières se voient dominer par l’imposant château de la Chèze. De l’esplanade  restaurée s’étalant au soleil devant le château, le panorama est splendide sur le village et la vallée.
L’histoire de ce château fut particulièrement mouvementée et son évolution architecturale au cours des siècles en témoigne. La diversité des meurtrières, couleuvrines, bouches à feu et autres canonnières souligne l’usage défensif du lieu tout en côtoyant des fenêtres caractéristiques des XIXe et XXe siècles, époque plus calme. En 1621 et 1622, le château offre le refuge à plus de deux cents protestants du Cheylard après l’échec de la prise du vieux château du Cheylard par l’armée protestante. Le duc de Ventadour, seigneur du Cheylard et intendant du Vivarais, s’employa alors à déloger les Protestants du château, mais son infanterie est mise en déroute. Plus tard, en 1691, la célèbre route royale des Dragonnades de Privas au Cheylard passait par le château de la Chèze.

Quelques siècles de tranquillité pour cet altier bâtiment dont la forme générale n’est pas sans rappeler les châteaux de Vogüé ou de Craux à  Genestelle. En 1862, Théophile Sauzet, riche industriel, transforme le château en demeure bourgeoise et fait aménager un parc à l’anglaise planté d’essences rares pour l’époque, comme des séquoias géants, des cèdres... Ses neveux héritiers puis la famille Mimerel poursuivront l’aménagement du parc et du château jusqu’en juillet 1944. Car après ces temps de paix, vinrent les temps mauvais de la Seconde guerre mondiale et de l’occupation. Le 6 juin 1944, Le Cheylard est choisi comme capitale de la Résistance. L’État-major départemental de l’Armée Secrète et la délégation d’Alger, parachutée le 15 juin s’installent entre les murs du château de la Chèze. Les occupants, en représailles avant de se retirer de la région, incendient le château, mais aussi la gare du Cheylard et aussi de nombreuses maisons. Soixante-treize combattants sont tués lors des affrontements et quarante civils assassinés par les nazis.
La commune du Cheylard racheta une partie du domaine et le château en ruine, en 1946 pour y installer le camping municipal. Désormais d’une superficie de onze hectares, le domaine du château était autrefois beaucoup plus important. Il rassemblait des terres cultivées, des bois, des châtaigneraies, des pâturages et même un vignoble… Après plus de vingt années de restauration, sous l’impulsion de l’Association pour la sauvegarde du Patrimoine Boutiérois, soutenue par la commune, le château a retrouvé toute sa superbe pour le plus grand plaisir des habitants et des visiteurs qui achèvent souvent la découverte de cette petite ville par une longue pause sur son esplanade.
 
Pour en savoir plus
Des visites de la vieille ville sont organisées 
Gilles Ogier président de l'A.S.P.B.
Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Boutiérois
- Château de la Chèze
04 75 29 45 93
06 76 61 92 72
http://lacheze.voila.net/Lassociation.html
Texte et clichés : Bruno Auboiron