L'histoire du château de Blou se lit comme un livre ouvert, dont les premières pages commencées au XIIe siècle s'écrivent encore aujourd'hui. De cette longue épopée on retiendra seulement les épisodes marquants du XIXe siècle qui ont radicalement changé l'apparence du château, afin de nous le livrer tel qu'il est actuellement.
Deux éléments justifient ce choix dans l'aspect du bâtiment : d'une part l'apparition à cette période d'un nouveau style architectural dit " Troubadour", mouvement artistique éphémère, succédant à celui du Directoire dont le château de Blou porte toujours l'éclat, et d'autre part en raison de la personnalité de son occupant à ce moment-là, le comte Philippe de Blou.
Rappelons simplement que le château de Blou fut construit au XIIe siècle. Il a appartenu à la famille des Precis (écrit également : Des Pressis), avant de tomber dans le giron de la famille de Blou, à la suite d'une alliance entre Marguerite des Precis avec François de Blou (originaire de Toulaud), en 1461. Durant toute l'époque médiévale et jusqu'à la période de la Restauration, le village de Thueyts n'était alors qu'une petite bourgade rurale, sans aucune voie de communication, isolée au fond d'une vallée en cul de sac, au pied de la montagne, et dont le tracé de la "route Royale" va changer la destinée.
Le comte Philippe Charles Jean Hyacinthe Xavier de Blou est né à Thueyts, le dimanche 29 novembre 1789. Après une brillante carrière militaire au sein de la Grande Armée, principalement en région parisienne, cet officier prend sa retraite en 1837. Les changements de régimes successifs et les événements révolutionnaires survenus dans la capitale le pousse à se retirer à Thueyts, dans la demeure familiale, comme il l'avait d'ailleurs envisagé : "En cas d'orage sur Paris " écrit-il lui-même dans ses carnets. Il rejoint donc le château de Blou dont la structure féodale a été maintenue en l'état, et entretenue par son grand-père Jean-Baptiste de Blou qui en 1771 avait fait " recrépir et blanchir les façades et refaire le toit à la génoise ". Le comte Philippe décide de rajeunir la demeure de Blou dans le style "Troubadour", en vogue dans la capitale et dont il s'inspire largement afin d'y apporter les modifications que l'on peut voir aujourd'hui, ramenant en Vivarais la nouvelle mode parisienne. Ce style artistique qui s'étend à la peinture, à l'architecture, à la décoration, se caractérise par l'apparition de fantaisies tendant à faire oublier la période mouvementée de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, où la République, la monarchie et l'Empire se disputent la place. C'est donc la "nostalgie de la belle époque ", celle d'avant la Révolution Française qui inspire la bourgeoisie et le style Troubadour. L'architecture, comme en témoigne le château de Blou, est agrémentée de décorations baroques. Sur l'ancien édifice féodal de Thueyts, à la structure massive, sont ajoutées deux échauguettes, montées en encorbellement, aux teintes claires, coiffées d'ardoises couvrant des toitures élancées. De grandes baies aux profils cintrés sont ouvertes en façade, complétées par des oculus. Les cheminées sont rebâties en briques rouges, pour donner de la couleur à l'ensemble et réveiller les vieilles pierres éteintes depuis le haut moyen-âge. Elles portent des chapeaux ajourés aux ouvertures fantaisistes. La brique fait également son apparition à l'intérieur, décorant les piliers jusqu'à l'escalier central à double service et conduisant à l'entrée principale. Une fontaine en demi-cercle vient décorer le perron de la façade principale. L'ensemble laisse une impression de légèreté et de fantaisie rajeunissant considérablement la lourde bâtisse médiévale. Le château de Scipionnet aux Vans, a subi les mêmes modifications, à la même période, se parant du style Troubadour sous la houlette de son propriétaire Odilon Barrot, ministre de Napoléon III.
Pendant la période dite de style "Troubadour", le château de Blou a reçu la visite d'hôtes prestigieux ou reconnus, relations du comte Philippe : l'agronome et scientifique anglais Arthur Young, Auguste de Bernardy, le marquis de Bernis frère du cardinal de Bernis, le ministre de Louis XVI, etc. Philippe de Blou meurt à Thueyts le 12 octobre 1848. Il est inhumé dans la chapelle funéraire familiale du cimetière de Thueyts. Son fils Ange Oscar Joachim de Bou, conseiller général de l'Ardèche, sera le dernier descendant de la dynastie. Le château, d'alliances en successions sera vendu par le dernier héritier de la dynastie de Blou De Pressis (le baron Pierre de Cassin) à la famille Montravel de Joyeuse en 1900. Le vicomte Louis de Montravel en fera sa dernière résidence.
Ces familles aristocratiques ont laissé au département de l'Ardèche, une remarquable demeure, devenue aujourd'hui le siège de la communauté de communes "Ardèche des sources et volcans" et qui héberge diverses sociétés et associations installées dans des locaux confortables et fonctionnels. Le décor intérieur contraste étrangement avec l'habitat extérieur. Autre époque, autre style !
… De la Route du Puy
Jusqu'au Directoire, les échanges commerciaux entre le Massif Central et la basse Vallée du Rhône, via Le Puy, empruntaient la "route du Pal", connue également sous la désignation de " Route de l'étain " dont le minerai extrait en Angleterre transitait par l'ile de Wight. Le chemin muletier, qui drainait également le pèlerinage de Notre Dame du Puy, suivait la vallée de la Fontaulière, passant par Montpezat avant d'atteindre les plaines du Midi.
La "Route royale" dénommée également "Route des Etats du Languedoc" (qui avaient principalement contribué à son financement), devenue aujourd'hui la RN 102, tracée pour relier Clermont-Ferrand à Montpellier ne fut ouverte qu'à la période napoléonienne. Cet itinéraire fut choisi principalement en raison de la richesse des forets avoisinantes de Mazan et de Bauzon, qui couraient jusqu'au-delà de Valgorge, fournissant les meilleurs bois nécessaires à la marine Royale, mais également à la construction des ponts. Le pont de l'Apic à Thueyts fut inauguré en 1762, puis celui de Lamothe, entre Barnas et Mayres, quelques années après.
En 1835 les pataches de Ginhoux, de lourdes et lentes diligences, transportant le courrier, tractées par deux chevaux, aidés depuis Mayres par un cheval de tête, afin de permettre l'ascension du col de la Chavade, cahotaient déjà sur la "Route Royale", poussiéreuse, pour atteindre Langogne.
La pente de la Chavade était encore si importante, que dans les années 1930, les rares automobilistes qui empruntaient cet itinéraire, à l'image de Mr Emile Roche, venant de Langogne à bord de sa puissante Chenard et Walcker, prenaient soin en haut du col, de fixer à leur pare-chocs arrière une corde, à laquelle était attachés des fagots de genêts coupés sur place, traînant sur la chaussée, afin de ralentir le véhicule dans la diabolique descente de Mayres, sur la route terreuse.
Depuis le tragique accident de car survenu à Mayres, en août 1954, dans lequel 19 personnes, dont une majorité d'enfants ont trouvé la mort, le tracé de la Route Nationale a été plusieurs fois aménagé pour offrir aujourd'hui un itinéraire des plus convenables, entretenu par la D.I.R (Direction Interrégionale des Routes) dont l'une des antennes est présente à Aubenas.