Lavilledieu

Article paru en mars 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Saint-Martin-de-Blessac, Puy-Saint-Martin, Sapette sous la Révolution française, Lavilledieu connut bien des appellations au cours des siècles passés. Elle connut aussi les menaces dès les ravages des guerres, qu’elles soient de cent ans ou Seconde Guerre mondiale.

L’occupation humaine du vaste plateau calcaire se dressant en rive gauche de l’Ardèche et précédant les premiers contreforts du massif volcanique du Coiron ne date pas d’hier. De nombreux dolmens, dont notre département est richement fourni, aux habitats du camp de César, qu’édifièrent les Romains en attestent. Cet oppidum a su profiter de la falaise sur l’Ardèche qui le borde sur un côté tandis que les trois autres se trouvaient protégés par un rempart. Cette vaste enceinte peu habituelle pour un oppidum méditerranéen devait répondre à un besoin d’abri pour les hommes et les troupeaux des alentours.

Au VIe siècle, une église, consacrée à Saint Martin, fut érigée au hameau de Bayssac. Bien sûr il n’en reste rien aujourd’hui. Et comme il est habituel dans l’histoire de nos campagnes, le développement d’une communauté urbaine prit naissance à l’occasion de l’installation de religieuses, des Bénédictines arrivant de Vienne en Isère. Grâce à la donation de terres à l’emplacement du bourg actuel, par Bertrand de Vogüé, le couvent attira rapidement dès le XIe siècle les villageois. Protections et donations permirent au couvent de prospérer et au village en devenir, de croître dans son ombre. Ce couvent accueillait les filles de l’aristocratie locale. Mais au XIVe siècle, la guerre de Cent Ans oblige les habitants à chercher protection derrière de hauts remparts. Il se dit qu’ils auraient été dressés en trois années seulement. Un exploit quand on considère les huit tours d’origine, il n’en reste la trace que de six, et la longueur des fortifications. Il est aisé aujourd’hui encore, d’imaginer ce que devait être Lavilledieu à cette époque. Le dessin des remparts est parfaitement visible ainsi que l’emprise du couvent sur cette modeste butte. Mais plus de conflits désormais, le soleil généreux baigne les rues et les places d’un gros bourg tranquille tandis que le cloître et le couvent accueillent toute l’année une programmation théâtrale, principalement.
Après cet interminable conflit médiéval, s’installèrent les guerres de religion. Les exactions ponctuent la vie troublée du village. Et il est impossible de passer sous silence la plus grande révolte paysanne dont l’issue dramatique pour ses instigateurs se joua ici même : la révolte du Roure. Elle débuta en mai 1670 à cause d’une rumeur prévoyant la mise en place de nouveaux impôts. Excédés par une vie trop dures et écrasés par des impôts injustes, les paysans se rassemblèrent avec à leur tête Antoine de Roure de La-Chapelle-sous-Aubenas. Bien sûr, l’autorité royale se préoccupa du sort de cette insurrection. Le roi dépêcha la troupe de quatre mille soldats dont les célèbres mousquetaires, qui le 25 juillet aux portes de Lavilledieu, écrasa la rébellion dans le sang de très nombreuses victimes. Après la parole des armes vint le temps de la répression contre ceux qui ont soutenu la révolte. Pendaison, supplice de la roue, bannissement, envoi aux galères furent ordonnés. Antoine de Roure, arrêté à la frontière espagnole, fut exécuté à Montpellier le 25 octobre. Quant aux communes ayant favorisé et aidé les insurgés, elles durent payer de lourdes amendes, perdirent clocher et cloches de leurs églises et pour La-Chapelle-sous-Aubenas et Lavilledieu eurent les remparts éventrés. Les habitants d’ici durent attendre 1703 pour obtenir enfin l’autorisation de les réparer.
Malheureusement, Lavilledieu n’en avait pas encore fini avec les épisodes violents de son histoire. Si la Première Guerre mondiale vida les campagnes des hommes la mettant en valeur au prix de leur sueur et leur labeur, la Seconde Guerre mondiale traversa le village. Une stèle commémorative conserve le souvenir des habitants fusillés et des nombreuses maisons incendiées lors du retrait de l’armée allemande en 1944.

Aujourd'hui, il fait bon déambuler dans les rues du vieux village, sous les vestiges des remparts inclus désormais dans les murs des maisons. La découverte de l’ancien couvent n’en finit pas d’étonner. À propos d’étonnement, il ne faut pas ignorer la visite du "petit musée du bizarre" s’ouvrant sur la place de Bayssac. Il montre depuis 1971 le fruit de la collecte de Serge Tékielski dans le domaine de l’art rural et populaire…

Hors les murs des remparts, la chapelle de Notre-Dame-de-Bon-Secours mérite une petite visite. Bâtie au XVIe siècle, elle trouverait son origine dans l’évocation de la légende de l’ermite Saint-Trouvé. Elle était le lieu de rassemblement pour le départ des processions se rendant sur la tombe de l’ermite. À présent tout le monde a oublié les bienfaits de l’ermite et la chapelle, bien que totalement restaurée en 1983, sommeille tranquillement à l’ombre des arbres l’entourant. Elle est à l’image de la vie apaisée de la cité de Lavilledieu, calme et bonheur retrouvés.
Texte et clichés : Bruno Auboiron