Lanas

Article paru en janvier 2017
Mis en ligne en juillet 2022

Un très joli village au bord de l’Ardèche n’a rien à envier à d’autres villages labellisés…
 

Ancien village fortifié par deux remparts circulaires dont on peut encore deviner les tracés aujourd’hui, Lanas se love en rive droite de la rivière, dans un site, certes à la beauté discrète, mais certaine. Le plaisir est bon de déambuler au fil des ruelles, des petites places ombragées par les platanes plantés à la fin du XIXe siècle, des passages voûtés nous emmènent découvrir des pépites d’architecture médiévale et renaissance, et des secrets d’histoire chuchotés par les pierres, dans la première enceinte fortifiée qui contient les parties les plus anciennes du village, des XII et XIIIe siècles. Quant à la seconde enceinte, elle fut accordée aux habitants en 1428 pour qu’ils puissent se protéger des ravages dus à la guerre de cent ans et des méfaits des bandes de routiers sillonnant la région. Auparavant, l’année 1348, fut celle de la peste noire et de la famine. Puis Lanas connut les affres des guerres de religions et fut durement rançonné en 1573 par les protestants.

La première fois que Lanas apparaît dans un texte officiel, c’est en 1154, lorsque l’évêque de Viviers fait don de la chapelle Saint-Eustache, bâtie au cœur du château du village, à l’abbaye viennoise de Saint-André-le-Haut… Depuis toujours, Lanas était une paroisse de la commune de Saint-Maurice-d’Ardèche, que l’on aperçoit juste en face de l’autre côté de l’eau, enfin jusqu’au 5 juin 1845, jour où Louis-Philippe signa la création de deux communes, chacune sur sa rive de l’Ardèche. La rivière constituait un indéniable problème de communication entre les deux villages. Les habitants ne pouvaient la traverser qu’en période de basses eaux, à l’aide d’un bac à péage. L’autre solution était un trop long détour par les terres pour emprunter le pont suspendu de Vogüé. Cette volonté d’indépendance des deux communes vient donc de ce souci quotidien et la pétition qui fut organisée connut le succès que l’on sait.

Lanas tient son nom du patois « lanas » évoquant la laine du mouton car de nombreux tisserands avaient élu domicile ici. Au milieu du XIXe siècle, Lanas souhaitait réaliser une route pour permettre un accès plus aisé au cœur du village. Cette nouvelle route devait passer sur des terres de la commune de Vogüé. Mais, le maire du village à l’époque se montra très peu compréhensif et pas du tout coopératif. Treize années de procédure furent nécessaires pour que les autorisations soient enfin arrachées à l’absence de volonté de trouver un accord. Quelques années plus tard, un pont submersible fut mis à l’étude pour accéder directement à Saint-Maurice-d’Ardèche. Ce projet est bien vite abandonné et fait place à un autre encore plus ambitieux : un pont à neuf arches de vingt mètres d’ouverture. En 1898 l’autorisation est obtenue et en 1902 le franchissement de la rivière n’est plus un souci. Mais lors de la débâcle des troupes allemandes, le 3 août 1944, il fut détruit. Encore trois années de patience et à nouveau le contact fut rétabli avec l’autre rive.

Si sa présence a joué un grand rôle dans la vie du village, ne cherchez pas plus longtemps le château. Il n’en reste rien, mais comme on sait que le village s’est développé autour de celui-ci et qu’il était au centre des fortifications, on peut imaginer assez aisément sa présence dans le dédale des ruelles. En revanche l’église, au bord de l’eau, est une agréable découverte. Au Moyen-Âge, la richesse du Seigneur de Lanas n’était pas tirée du revenu de ses terres, mais de l’utilisation des moulins, des fours et du passage sur la rivière. Il n’existait pas de pont alors. Un historien local écrivit : « Tous les sujets étaient tenus de faire moudre leur grain dans les moulins de Lanas, de cuire le pain dans le fours du Seigneur et de passer la rivière d’Ardèche sur ses bateaux ». Située à peine à la marge du village, la belle place où s’ouvrent les restaurants, était autrefois le cimetière communal. Ce dernier fut transféré en 1862, pour laisser place à une plantation de mûriers. Il faut savoir que l’arbre en question, et dont plus de dix mille sujets nourrissaient les vers à soie, était indispensable à l’économie du village. En 1852 on comptabilisait sur la commune soixante-dix mulets, trois ânes et trente-neuf charrues pour la culture de trente-sept hectares de vigne, quarante-deux de céréales, dix de légumes et bien sûr les dix mille mûriers couvrant la production de plus de sept tonnes de cocons… Aujourd’hui les mûriers ont laissé la place à la vigne, principale activité agricole pour ne pas dire la seule.
Et, puisque l’on parle de cimetière, comment quitter Lanas sans évoquer Henri Charrière ? Qui ne connaît pas le bagnard le plus célèbre de Guyane ?  Certainement pas vous qui lisez Ma Bastide. Papillon fut condamné en 1931 aux travaux forcés à perpétuité pour un meurtre qu’il a toujours nié. Il finit par s’évader. Il raconta sa vie au bagne dans un livre intitulé « Papillon », peu autobiographique puisqu’il emprunte des aventures vécues par d’autres. De ce livre fut tiré un film dont le premier rôle, celui de Papillon, est joué par Steve McQueen… Henri Charrière fut réhabilité. Il mourut en 1973 à Madrid et fut enterré ici, auprès de sa mère.
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron