Lablachère

Article paru en juin 2017
Mis en ligne en juin 2023

Au milieu des vignes.

Entre le plateau calcaire des Grads et les premières pentes cévenoles, Lablachère enveloppe une petite colline dominant les terres de vigne qui s’étirent à l’infini. Une basilique, une église et un site gallo-romain ponctuent le paysage.
 

Lorsqu’on arrive à Lablachère on pourrait hésiter. En effet, ce sont deux imposants clochers qui s’offrent à la vue. Mais où est le bourg ? À droite, à gauche ? Il est bien à droite, sur la route des Vans, car à gauche, sur la route d’Alès, il s’agit de la basilique Notre-Dame de Bon Secours qui se dresse fièrement.
 
Il y a fort longtemps, le site n’accueillait qu’une petite chapelle. Elle fut bâtie sur la promesse faite par un médecin du XVIIe siècle en remerciement à la vierge de l’avoir tiré d’un fort mauvais pas à cause d’un accident répété de cheval. Elle fut donc logiquement baptisée Notre-Dame de Bon Secours. Des miracles s’y produisirent et un pèlerinage s’y développa et, pour accompagner le succès de ce dernier, une seconde chapelle, plus grande avec ses trois nefs, fut érigée un siècle plus tard. Les travaux durent être mal exécutés car quelques décennies plus tard elle menaçait déjà ruine, alors en 1829 la construction de l’église actuelle fut décidée. Ce nouvel édifice devait être digne de ce pèlerinage d’importance. Ainsi, surmontant le clocher, une statue de la vierge couronnée faisait face aux Cévennes. En 1855 les travaux sont achevés et on dit que trente mille personnes se pressèrent en ce lieu lors d’une fête éclatante donnée par l’évêque de Viviers. Ce n’est que le 14 août 1930 que cette église fut élevée au rang de basilique mineure et qu’une maison diocésaine fut ouverte, six ans plus tard… Et l’activité religieuse est toujours intense en ce lieu !
 
Sur la colline d’en face se dresse l’église de Lablachère, dédié à Saint-Julien. Depuis son terreplein herbeux, magnifique belvédère, en suivant la rue en pente douce, on gagne le centre du village. Un croisement de cinq routes assez calme en semaine, mais qui s’anime le dimanche matin avec le marché. Lablachère fut de tout temps au carrefour de routes importantes, ce qui lui valut une certaine prospérité. La sériciculture a aussi légué au village d’opulentes bâtisses montrant combien cette activité pouvait se révéler rentable, au moins pour quelques uns. Après, vint la vigne, et elle est toujours là, plus vigoureuse que jamais.
 
Le paysage n’a pas toujours été aussi ordonné, en rangs serrés et parallèles. Lablachère tire son nom de l’occitan « blache » qui désigne le chêne blanc, car avant la révolution française, le village était entouré de forêts de chênes blancs. Aujourd’hui toutes les terres qui pouvaient être mises en culture, le sont. Sur les hauteurs à l’est, s’étendent les Grads, vaste ensemble de rocailles et de garrigues dominées par les chênes verts. C’est la terre des dolmens. De l’autre côté, vers les Cévennes, les paysans ont édifié des faïsses pour planter des châtaigniers et des arbres fruitiers. Une terre vivante est une terre en constante évolution…
 
Tout à côté du bourg, le château de la Saumès, dont l’origine remonte au XVIe siècle, ne ressemble plus à ce qu’il était autrefois. Il est aujourd’hui sous la forme d’une vaste demeure en pierres de taille coiffée d’un toit à quatre pans et percée de grandes fenêtres à croisillons. Une cour, des jardins et une chapelle l’accompagnent.
 
Plus loin, au hameau du Prieuré, on trouve un pont en pierres plates, du grès tiré de la terre locale, d’une longueur de dix-sept mètres. Fort ancien, personne à ce jour n’a su le dater ; toutefois son mode de construction rappelle celui des dolmens.
 
La richesse historique la plus étonnante, bien que la moins visible, se trouve au cœur du hameau de Drome la Romaine, à mi-chemin entre l’église et la basilique, au milieu des vignes. Déjà des silex taillés retrouvés dans les vignes évoquent une présence humaine préhistorique, mais c’est à l’époque gallo-romaine qu’une grande villa pris place en ce lieu, et pour certains peut-être même le rassemblement de plusieurs villas. Des sondages ont révélé l’existence de maisons aux murs de pierres et de briques en terre crue recouverts d’enduits colorés. Dans cette villa on a retrouvé la trace d’un mausolée érigé en l’honneur d’un Helvien qui vécut au temps des empereurs Antonin le Pieux, Marc Aurèle et Lucius Vérus. Il fut prêteur, curateur des travaux publics à Rome, gouverneur de Pannonie et de Mésie, sur les rives du Danube et de la mer Noire. Un fragment du bandeau épigraphique mentionnant sa carrière est visible à l’hôtel de ville d’Aubenas. À l’époque mérovingienne, le site est encore occupé.
 
Lablachère, un village étonnant entre Cévennes, Grads, vigne et châtaigniers, sites religieux, vestiges de l’Antiquité et témoignages contemporains.

Texte : Bruno Auboiron
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