La formidable explosion du volcan qui secoua la montagne ardéchoise il y près de 40 000 ans, le passage des armées romaines, le transit quasi quotidien de centaines de mulets circulant en convois sur la route de l'étain ainsi que les milliers de pèlerins cheminant chaque année vers Notre Dame du Puy ont donné naissance à toutes sortes d'histoires. Ces légendes qui courent encore les flancs du cratère, sont sans cesse alimentées par l'imagination des hommes qui habitent ces lieux aujourd'hui.
La Vestide du Pal n'est pas seulement une fenêtre ouverte sur le passé, témoin de notre histoire, c'est aussi un coup de projecteur éclairant un formidable projet qui demain pourrait bien animer le volcan endormi.
Témoignages troublants
Pour d'obscures raisons, quelques écrivains locaux font état dans leurs ouvrages du passage de la Sainte Famille en terre ardéchoise. Faut-il voir au travers de cette croyance une certaine concordance avec le voyage en Bretagne (aujourd'hui la Grande-Bretagne) de Joseph d'Arimathie, venu de Jérusalem ? Ce commerçant en étain, déjà présent dans les écritures sacrées surgit à nouveau dans des textes apocryphes* traitant du fascinant mystère du Graal au cours de l'épopée des Chevaliers de la Table Ronde.
Dés lors, rien d'étonnant à ce que l'écrivain vanséen Pierre Charrié nous rapporte l'extraordinaire légende de "La bata de l'ase de sent josep" (la patte de l'âne de Saint Joseph), connue aussi sous le nom de "la pésade" (trace, laissée par un animal): "A Montpezat, au hameau du Pal, la Sainte Famille sur le chemin de l'Egypte était menacée par un grand moschet ("mouché", épervier). L'âne, portant l'enfant Jésus, prit peur et s'enfuit au galop. Joseph leva alors les bras au ciel en demandant l'aide divine. L'âne s'arrêta tout net en imprimant son sabot droit dans le sol".
Bien souvent, contes et légendes prennent appui sur un fond de réalité. Ainsi à Montpezat, en un lieu situé entre le quartier des Oulettes et Burzet, près de la Vestide, un rocher porte l'empreinte d'un fer à cheval, témoin de l'histoire. Cette pierre, aujourd'hui masquée par l'envahissante végétation, a été observée par de nombreux témoins, tel Marcel Gandon, qui se souvient : " La pésade, que j'ai vue à plusieurs reprises, est la marque d'un fer d'âne ou de mulet gravée dans la pierre. On la trouve sur un rocher en forme de pyramide, sur le versant de Burzet, le long de l'ancien chemin conduisant de Colombier, passant par la crête et aboutissant à "La clé". Ce chemin était encore utilisé pendant la guerre par quelques habitants allant discrètement se ravitailler dans les fermes du plateau. Aujourd'hui il est impraticable et envahi par la végétation".
Si l'on situe cette légende au cours de la période gallo-romaine, c'est dans le cadre du Moyen-âge que se greffe une seconde croyance venue fleurir notre imaginaire: le seigneur de Montlaur, alors propriétaire du fief de Montpezat et voulant se débarrasser des brigands qui occupaient la vallée, fendit de son épée le flanc du volcan de la Vestide, libérant les eaux contenues dans le cratère qui noyèrent les pillards de la plaine.
Il ne subsiste, semble-t-il, aucun élément matériel venant accréditer cette croyance, si ce n'est la présence d'une faille gigantesque sur le versant du volcan (celle-là même que nous empruntons pour entrer dans le cratère) et par laquelle s'écoule la Fontaulière naissante. Dans les faits, le lac s'est vidé au cours d'un séisme et ses eaux ont donné naissance à la rivière par le cratère égueulé. La Vestide du Pal constituait au Moyen-âge le vivier des seigneurs d'Aubenas et l'identification géologique du "maar" confirme bien la présence d'une réserve d'eau au lieu même de l'explosion du volcan.
Après l'histoire de la "pésade" qui se serait donc déroulée au début de l'ère chrétienne et celle du seigneur de Montlaur survenue dans le cadre du moyen âge, c'est le XXIe siècle qui apporte de nouvelles croyances venant nourrir les récits d'autrefois. A l'est de la Vestide, au sommet de la célèbre côte du Pal, à la sortie du hameau se dresse "La croix du Pal ", calvaire autour duquel Patrick Aubossu nous rapporte cette anecdote :" Il se dit ici, que sous le monticule surmonté de la croix furent enterrés autrefois de nombreux pèlerins, cheminant sur cette route. Quant aux morceaux de fer incrustés dans le socle de la croix de pierre, l'histoire rapporte qu'il s'agirait de morceaux de fers à cheval placés ici par des voyageurs reconnaissant à Dieu, pour avoir pu gravir la côte pavée sans encombre."
Dans ce cadre de verdure isolé au sommet de la montagne ardéchoise où le profane côtoie le sacré, et l'imaginaire épouse la réalité, un nouvel événement est susceptible de venir demain alimenter à nouveau l'histoire des gens de ce pays. Un projet artistique est à l'étude venant agrémenter le site d'une création gigantesque, à l'échelle du volcan. Cette œuvre, sortie de l'imagination de l'artiste plasticien Grégoire Chapuzat serait constituée d'un ensemble minéral formant un enclos concentrique, et réalisé à l'aide d'orgues basaltiques disposés à plat. Cette création serait englobée dans un vaste projet artistique visant à jalonner un parcours pédestre de plusieurs sculptures disséminées le long de la ligne du partage des eaux (Atlantique/Méditerranée) depuis St Agrève jusqu'à St Laurent les bains.
Né il y a quelques 40 000 ans, le "jeune" volcan, s'est offert au fil du temps, un habit de légendes. Il ne manquerait donc à sa parure, sans cesse renouvelée par notre imaginaire, que quelques bijoux de sculpture afin que Dame Vestide, revêtue de croyances, pénètre fièrement dans les siècles futurs.
*Texte apocryphe : écrit considéré comme non authentique par les autorités religieuses.