La Légende du clocher qui tremble

Article paru en octobre 2015
Mis en ligne en juillet 2022

Au fond de la vallée de la Bourges, le village de Burzet fut jadis le théâtre d'un étrange phénomène. Parmi ces récits d'autrefois où l'imaginaire altère souvent la réalité, subsiste une légende qui se colporte encore aujourd'hui... celle du "clocher qui tremble".

Il serait audacieux de situer avec exactitude la date de cet évènement mais, à en croire des écrivains notoires tels Ovide de Valgorge ou Charles-Albin Mazon, l'histoire serait survenue avant la Révolution Française à l'église St André, à Burzet.

A l'heure des offices religieux, des paroissiens avaient remarqué un tremblement inquiétant dans l'église. Les vibrations semblaient provenir du clocher. Peu à peu, l'émotion gagna l'ensemble des fidèles et le bruit se rependit dans toute la contrée : un phénomène étrange et inexpliqué se déroulait à l'église de Burzet. De fait, au cours des cérémonies religieuses, le clocher de l'église semblait bien osciller dangereusement. Des écrits, probablement exagérés et datant de cette période, font état d'un balancement du clocher pouvant atteindre une amplitude de 21 cm. Pour les paroissiens crédules, ce phénomène ne pouvait être que l'œuvre de Satan cherchant à s'emparer du lieu. Chacun ajouta son commentaire et bientôt des fidèles convaincus de l'œuvre du Malin n'assistèrent plus aux offices religieux. Les esprits s'échauffèrent. La peur s'installa.
La rumeur parvint jusqu'à Viviers où l'Evêque s'émut de l'affaire. Inquiet pour ses ouailles et désireux de juger par lui-même de la situation, il décida de se transporter sur les lieux. Le déplacement du prélat fut un évènement. A l'occasion de l'office religieux, le dignitaire constata effectivement un phénomène anormal se déroulant à l'entrée de l'église. Le clocher-peigne de Burzet forme un triangle équilatéral percé de cinq ouvertures ogivales pouvant recevoir cinq cloches, réparties sur deux étages superposés. Une seule occupe l'étage supérieur et c'est à cette dernière qu'il put en attribuer le mouvement d'oscillation du clocher au moment où le sacristain sonna l'appel aux offices. Mais le plus curieux fut sans aucun doute l'épisode suivant : lorsque les cloches de l'étage inférieur étaient lancées, le mouvement de balancier du clocher s'accentuait jusqu'au moment où, par un phénomène d'oscillations inversées, les cloches de taille et de poids différents se balançaient en opposition. Dès lors le mouvement de tremblement s'arrêtait.
L'évènement attira les curieux et une mise en scène se déroulait occasionnellement devant l'église : le sacristain montait au sommet du clocher alors que les cloches tintaient à toutes volées et, du haut de l'édifice, jetait une noix dans le vide. Sous l'effet des puissantes vibrations, le fruit explosait avant d'atteindre le sol. Un peu plus tard, la cloche supérieure fut retirée et l'affaire fut classée.

En février 1853, une nouvelle cloche baptisée par le père Pigeyre, sous le nom de "Marie-Victorine, Mélanie", fut installée en remplacement de la précédente. La nouvelle cloche que l'on peut admirer aujourd'hui depuis les terrasses alentours  avoisine 1070 kg et sonne le "mi ". Son diamètre est de 1,20m.
Dès lors, on ne parla plus du Malin et de ses sataniques intentions mais au contraire, l'affaire du clocher qui tremble fut reprise par les chroniqueurs locaux sous le titre " Le miracle du clocher de Burzet "!
 
Texte et clichés : Henri Klinz