La légende de la Tour du Brison

Article paru en janvier 2015
Mis en ligne en juillet 2022

Cette légende est aujourd’hui une bien rocambolesque histoire; une sorte de saga à laquelle le XXe siècle vient d’ajouter un épisode supplémentaire qui relance le suspense.

Dans cette fantastique aventure le personnage principal est le diable, un Lucifer toujours présent attendant patiemment son heure, tapi dans la forêt, quelque part du côté de Sanilhac.

Mais l’histoire à commencé il y a bien longtemps ...
Vers 1248, le Seigneur de Brison répondant à l’appel du Roi, quitte son fief de l’Ardèche pour rejoindre Aigues-Mortes et embarquer pour la croisade. En terre Sainte, il est capturé par les Sarrazins et demeureront prisonniers durant sept ans en Palestine. Satan lui apparaît, d’abord sous l’aspect d’un rat doté de la parole. Du fond de sa cellule, le chevalier apprend ainsi par le démon que sa belle, la gente Dame Alix de Nojaret, restée en Vivarais, courtisée par un noble voisin, est sur le point de convoler en justes noces. Satan lui propose en échange de son âme, de le libérer sur-le-champ, de le ramener à Sanilhac et d'empêcher ce mariage. Le seigneur de Brison accepte le pacte avec le diable étant bien précisé cependant que si l’aventure échoue, le diabolique personnage n’aura que les restes de son repas. Satan prend alors l’apparence d’un ange noir et Brison chevauchant la méprisable monture ailée franchit la mer pour arriver à la porte de son château. Comble d'infortune, devant la demeure, la belle Alix ne reconnaît pas son époux, fatigué et vieilli par tant d'années de captivité. Elle lui ferme la porte au nez. Grâce à la complaisance d'un archer, il parvient tout de même à pénétrer dans le donjon, pour y prendre un frugal repas composé d'amandes et de noisettes, toujours accompagné du malin. Une fois rassasié, le noble chevalier repousse les coques vides sur le bord de la table et les offre en guise de repas à l’archange déchu. Fou de colère, Satan quitte les lieux au travers de la muraille et dans un éclair infernal qui ébranle la tour, lâche en partant un « pet » mémorable qui pourrit dit-on, les pierres du pays… Ignorant tout du drame qui vient de se jouer, Alix de Nojaret épouse son soupirant. Brison, dépité, quitte Sanilhac et se retire à l'abbaye de La Chaise-Dieu.

Quand tout s’effondrera
Depuis, chaque 31 décembre à minuit, le diable revient à la tour de Brison pour en retirer une pierre et lorsqu’il n’y en aura plus, sonnera le glas de la fin du monde… La légende aurait pu s'arrêter là, telle que Firmin Boissin l'a rapportée dans son « Jan de la Lune », mais les turpitudes du XXe siècle allaient relancer l'histoire. En 1989, quelques habitants de Sanilhac, tels des lutins se regroupent en association et décident de contrer les projets de Satan en restaurant la tour de Brison. L’œuvre est colossale. Du château médiéval, il ne reste qu'une tour éventrée à l'état de ruine. De nombreuses pierres sont déjà manquantes. Qu’importe! Ardeur faisant, nos joyeux lutins se mettent à l’ouvrage et restaurent entièrement la tour de Brison, lui offrant au surplus une confortable toiture. Ils travaillent également à la reconstruction des trois autres tours du château. Ce dernier chantier n’est encore qu’à l’état embryonnaire, mais l’action est bien lancée. Aujourd'hui, le site de la tour de Brison est un lieu remarquable. Au pied de l’édifice à plus de 700 mètres d’altitude, le point de vue est grandiose. Sur 180 degrés, des Monts d’Ardèche, aux Monts de Lozère, de la vallée du Rhône, aux collines de Provence le regard se perd dans l’immensité du paysage. La forêt voisine plantée de chênes verts et de pins maritimes semble couvrir les terres à l’infini. Cet océan de verdure souvent bercé par le souffle du vent ondule, fait naître mille vagues vertes venant mourir aux pieds des coteaux voisins.

C’est pourtant là que se cache le danger.
Le malin, brûlant du feu des enfers, peut à tout moment embraser ce séduisant décor pour le remplacer par un désert de cendres. Après plus de sept siècles, aujourd’hui encore des sentinelles montent la garde en haut de la tour. Les soldats du feu ont remplacé les archers. Au XXIe siècle, les « Soldats de Défense contre les Incendies de Satan », (S.D.I.S), ont déployé leur armée en renfort, plaçant durant la période sensible de l’été, des guetteurs sur la tour de Brison, qui surveillent sans relâche la forêt.

Et aussi
En approchant de Sanilhac, une curieuse sculpture se trouve au quartier de la Pierre pourrie (tiens !). Cette pierre taillée, placée à l’intersection des communes de Montréal, de Laurac et de Sanilhac semble désigner la limite du territoire de Satan. Tel un totem maléfique, elle met en garde l’imprudent qui oserait s’aventurer au-delà de ce secteur. Seuls les cœurs purs s’avanceront sans crainte jusqu’à la tour où ils pourront contempler l’un des plus beaux paysages de l’Ardèche méridionale.
Texte et clichés : Henri Klinz