La dynastie André 2ème partie

Article paru en mai 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Etrangement, dans la famille André, les générations se succèdent sans discontinuité dans l’activité du commerce
et l’exercice du négoce. Les fils reprennent systématiquement le relais du père, les frères participent au développement de l’entreprise où les aînés s’attachent à rechercher sans cesse de nouveaux marchés, la recherche du profit n’étant pas incompatible avec la religion protestante.
 

Les fils de David se lancent dans le commerce florissant de la soie à Lyon durant une dizaine d’années. Joseph ouvre une voie commerciale entre Cadix et Constantinople, puis vers les pays du Nord de l’Europe où Jacques étend le commerce avec Francfort et Hambourg. Les André sont à l’origine de la vogue des bas de soie, leur principal débouché, exportés jusqu’au Pérou.

La famille vit dans des hôtels particuliers, notamment à Nîmes et à Gênes ou des appartements cossus, luxueusement aménagés et richement décorés de tapisseries de Flandres, de brocatelles*, de tableaux des peintres Le Brun, Fragonard...
 
Jean-Jacques dit «André l’aîné» devenu académicien à 23 ans, fait office de patriarche, véritable chef de clan, il n’a de cesse de resserrer les liens familiaux et d’entretenir des alliances durables, tissant avec sa famille un maillage de relations commerciales et financières à travers toute l’Europe. Son autorité est telle qu’il est vouvoyé par ses frères. Cette famille est considérée comme composée «d’honnêtes commerçants, travailleurs et emprunts de civilité». Ils sont l’élite intellectuelle et côtoient la société des gens de lettres, des savants et des artistes. Usuriers du cercle Necker, ils prêtent des sommes importantes d’argent aux aristocrates, jusqu’au Duc de Choiseul, ancien ministre de Louis XV. Ils ne participent pas à la vie politique à l’exclusion de Joseph, à la tête de la Maison de Gênes, et David auquel on reproche des attaches avec la Franc-maçonnerie. Il est en effet membre de la loge Henri IV et Sully. C’est un dandy portant des habits à boutons d’argent et une canne à pommeau d’or. Il quittera la loge pour se tourner vers les clubs révolutionnaires qui prédominent avec le nouveau régime.

Un des fils, John prit la nationalité Britannique et fit carrière dans les armes comme adjudant-général des forces britanniques en Amérique. Capturé par les insurgents en 1780, il est accusé d’espionnage et pendu. Ses restes seront rapatriés 40 ans plus tard en Angleterre où son tombeau est toujours visible dans l’abbaye de Westminster.
 
Jean-André joue un rôle prépondérant dans la rédaction des « cahiers de doléances » lors de la constitution des Etats Généraux du Languedoc. Il propose notamment la suppression des droits de douanes à l’intérieur du pays faisant obstacle au développement du commerce et de l’économique. Il participe au troisième rassemblement des camps de Jalès à Berrias où s’active l’expression de la chouannerie ardéchoise. Dénoncé, il comparaît devant le Tribunal Révolutionnaire. Victime de la terrible loi des suspects, en l’absence de preuves il sera guillotiné, simplement accusé d’avoir chantonné « A la guillotine Marat… », chanson satirique de l’époque.
 
Les lois révolutionnaires refermant les frontières affectent le négoce de la soie obligeant les André à abandonner définitivement les échanges économiques des marchandises pour se tourner exclusivement vers la finance.

Paris devient la grande place financière de l’Empire où les réformés et les banquiers jouent un rôle prédominant. Marie-Jean, fils de Dominique épouse Joséphine Napoléone, fille d’un général de l’Empire, filleule de l’Empereur et de l’Impératrice et engage une seconde alliance avec le petit neveu du Général Ney. Le second fils, Louis, épouse Blanche de Neuflize, famille de banquier et de commerçant en draps, originaire de Sedan. Le troisième fils, Ernest s’allie par mariage à la famille Cottier, régente de la Banque de France. Mais Joseph qui a repris la direction des finances sera victime de Banqueroute à la suite de la liquidation de la dette publique ordonnée par le ministre des finances Ramel aux premiers jours du Consulat.

A partir de 1800 la dynastie André s’éteint. « André l’aîné » meurt en mai 1805. Les dernières alliances et associations de la famille André avec les familles Suisses Dupin, puis Cottier permettent de fonder la Compagnie d’Assurances Maritimes ainsi que la Caisse d’Epargne et de Prévoyance.
 
Responsable de la place de Paris, David, avait acquis un immeuble dans le centre de la capitale pour y fonder la Banque André. D’alliances en héritages, de mariages en successions, la Banque André est devenue aujourd’hui la Banque d’affaires Neuflize OBC (présente dans 11 villes Françaises ainsi que dans plusieurs pays du monde dont l’Amérique du Sud) et appartenant à la holding ABN AMRO dont l’Etat hollandais est l’actionnaire unique.

Inconnue du grand public et même d’un grand nombre d’ardéchois, la famille ardéchoise André a écrit une page complète dans l’économie et les finances de la France de 1600 à 1800. Elle laisse aujourd’hui en succession, un patrimoine financier dont le capital est estimé à plus de 380.000.000 d’Euros.
 
 
* La brocatelle est une étoffe dont le dessin, formé par des effets de satin, se détache en relief sur un fond plat.     
 
Portrait
 

Il arrive parfois, au hasard de recherche de lectures, de découvrir un livre qu’on croyait disparu. C’est le cas pour Olivier Baulland qui a retrouvé les écrits de Virginie Lehideux-Vernimmen, auteur d’un ouvrage consacré à l’histoire de la famille André dont nous nous sommes largement inspirés ici : « Du négoce à la banque - LES ANDRE » (1992).
 
Olivier Bauland a racheté la Bastide de Sanilhac, l’ancienne demeure de la famille André. Le bâtiment est aujourd’hui un hôtel-restaurant. Un temps tenancier de l’établissement, Olivier Bauland a découvert dans cette maison une cache protestante, dissimulée derrière des pierres à peine jointées, ouvrant sur un escalier menant vers un lieu mystérieux, hélas comblé par des remblais. La famille André avait-elle aménagée cette cache ? C’était un procédé couramment utilisé dans les maisons protestantes au XVI e siècle afin d’échapper aux persécutions.
 
Texte et clichés : Henri Klinz