Il en est ainsi de la dynastie André, famille originaire de Sanilhac dont les acteurs d’abord commerçants, puis négociants sont devenus banquiers, occupant une place importante sur la scène économique nationale et internationale. Créée en 1667, la banque David André a modifié la raison sociale de son enseigne pour devenir De Neuflize, Schlumberger et Mallet, présente encore aujourd’hui dans le milieu de la haute finance internationale.
Au nord du petit village de Sanilhac, nous nous dirigeons vers une grande bastide ensoleillée qui domine le hameau de Laval, berceau de la famille André. Guilhaume André est né ici en 1433. Les archives mentionnent le nom de Jean peut-être le fils de Guilhaume, puis Pierre et Jeanne. Apparaissent ensuite Antoine qui exerce en 1533 la fonction de notaire à Sanilhac et Mathieu, également notaire mais à Largentière en 1557. Bénéficiant des dispositions de l’Edit de tolérance de St Germain-en-Laye, promulgué par Catherine de Médicis, autorisant la « liberté de pensée », la famille s’est convertie à la nouvelle religion vers 1550.
L’un des descendants, David II quitte l’Ardèche vers 1600 pour s’installer à Nîmes, alors deuxième ville de France (!), et patrie des Huguenots où il s’installe comme marchand teinturier profitant de l’essor du marché de la laine en plein expansion. Il accueille les réfugiés protestants dont trois de ses neveux, qui sont aussitôt associés à son affaire et mis au travail pour lancer ente autre, le commerce des bas de laine. Puis avec la crise de la laine sous Richelieu, les André abandonnent le négoce de la teinturerie et s’associent avec la famille Privat, négociants à Genève afin de se consacrer au transport de marchandises. Leur fils David III, âgé de 18 ans, émigre à Gênes avant la révocation de l’Edit de Nantes et s’associe avec la famille Boissin, des commençants venus d’Anduze. Il se lance dans le négoce du blé, du vin, des cuirs et des produits coloniaux aussi, comme le tabac et le cacao dont il est le premier fournisseur de la place de Gênes. Il se dote d’une flottille de faibles tonneaux afin de passer inaperçu et de ne pas attirer l’attention des pirates barbaresques qui écument les côtes de la méditerranée occidentale. David III crée ainsi la première triangulation du négoce Nîmes-Gênes-Genève.
Puis les André reviennent à la bonneterie et en 1743, ils sont capables d’exporter des bas de laine au Pérou où ils ouvrent d’ailleurs, un comptoir. Ils se lancent ensuite dans la transaction des monnaies notamment le change des piastres mexicaines avec un bénéfice de 40 % sur chacune des opérations. Les frères, neveux, parents et alliés vont constituer un formidable réseau d’alliances et de relations, tissant une toile commerciale solide à travers toute l’Europe. Parmi eux, Jacques, épouse Suzanne Audibert, d’une riche famille de marchands marseillais, quant à Guillaume et Lucrèce, ils se marient en Suisse avec la fille et le fils Privat.
A compté de 1710, le commerce est relégué au deuxième plan par Jean et Guilhaume qui se lancent progressivement du négoce à la banque (prêts, recouvrement de crédits, endossement et escompte de lettres de change…). Au XVIIIe siècle la famille André se divise en deux branches qui se partagent les échanges internationaux dans deux zones géographiques différentes : la descendance de Guilhaume exploite la ligne Gêne-Londres-Genève-Naples et celle de Jacques prend à son compte l’activité commerciale de Nîmes vers Lyon et Paris.
Les « alliances » ne sont que des mariages de raison et d’intérêt.
Isabelle André, fille de Jacques a épousé Jean-Louis Necker de Germany, frère aîné du futur ministre des finances Necker. Ses frères, Antoine et David épousent les filles Girardo de Chancour, de Londres, banquier associé à Necker. Une autre fille épousera Philippe Jolivet, joaillier de la Maison d’Orléans. Chacun dans la famille s’étonnera du cas de Dominique André ne travaillant que 8 à 9 h par jour… « l’amour, dira David, a provoqué une réaction étonnante », et déplore que tous les soirs le jeune marié retrouve son épouse dans leur maison de campagne… Et Jean-Jacques de constater, quelque peu interloqué : « la jeune femme aime éperdument son mari » !