Article paru en juin 2017
Mis en ligne en juin 2023
Les berges semblent quelque peu éloignées... A l'époque du grand commerce fluvial sur le Rhône l'embarcadère le plus proche de Montselgues, était celui de Viviers, alors siège de l'évêché, distant de plus 80 km, empruntant une route de montagne quasi impraticable en hiver. Comment expliquer la présence d'une croix de mariniers dans l'église de Monselgues. Un enfant du pays aurait-il été marinier ?
La croix des mariniers (ou croix d'équipage) était une croix de bois, fabriquée par les marins d'eau douce naviguant sur le Rhône et installée à la proue des bateaux charriant les marchandises, principalement entre Lyon et Arles pour être ensuite transbordées dans des bateaux plus importants à destination de Sète.
L'époque de son apparition demeure encore incertaine, mais la période médiévale est privilégiée. L'emblématique objet tient sa particularité de sa décoration baroque, mélange d'iconographie sacrée et d'objets profanes où la passion du christ est la plus représentée. C'est avant tout une sculpture réalisée par les marins eux-mêmes avec du bois flotté ou acheté à la grande foire de Beaucaire, dans le dessein d'assurer leur protection alors qu'ils naviguent sur un fleuve torrentiel et où les accidents sont nombreux.
Qu'est-ce qu'une croix de mariniers ?
Elle s'identifie à partir de la position du Christ couronné d'épines habituellement placé à la croisée des deux branches ou légèrement en dessous, et accompagné d'une vingtaines d'objets : au sommet, le coq symbole d'audace et de courage, mais aussi l'image liturgique du reniement de Simon-Pierre - Les inscription INRI."Jésus de Nazareth, roi des Juifs" - Le cœur traversé d'une flèche, aujourd'hui symbole d'amour blessé, mais autrefois figurant la Passion du Christ - Le calice et le ciboire, images de la Cène - les palmes des rameaux commémorant l'entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem - Les tenailles et le marteau outils nécessaires à la construction des navires- Quatre quilles, symboles des jeux et des festivités - Le pichet et le tonnelet compagnons de voyage des marins - La main de Dieu, autrefois signe de justice - La lune et le soleil limitant la journée de travail - Les glands, offices d'abondance et de prospérité - Le fouet des charretiers sur les chemins de halage - Les fanaux permettant de guider le navire dans la brume, entre les bancs de sable - Le glaive symbole des soldats romains mais aussi le couteau des mariniers - La verge de la flagellation - La tunique du Christ - Les clous de la crucifixion et les gouttes de sang du Christ - La bourse contenant 30 deniers payés à Judas pour trahir son mentor - La lance qui perça le côté du supplicié - La perche ayant tenu l'éponge imbibée de vinaigre - les trois dés avec lesquels les soldats romains ont joué la tunique du Christ - La tête de mort au-dessus de tibias croisés afin d'exorciser les périls de la navigation - Le poulain, échelle de bois utilisé pour charger les marchandises - Les pénitents au pied de la croix….
A Montselgues, chacune des extrémités de la croix est ornée de volutes rappelant les croix pattée apparues à la fin de l'époque romane. Bien que la croix actuelle ait été repeinte récemment, l'origine de la sculpture est inconnue et de nombreuses figurines sont manquantes. Pour Francine Faure, gardienne qui veille depuis plus de 40 ans sur le sanctuaire, " cette croix est très ancienne ", sans pour autant s'aventurer à fournir une quelconque datation. Mais Francine a recueilli et conservé quelques-uns des éléments de la croix afin de pouvoir la restaurer. Pour les habitants de Monselgues, cette croix " a toujours été là " mais… le mystère de ses origines demeure.
Portrait :
Il est difficile de parler de l'église de Montselgues sans faire référence à Francine Faure. Francine est marseillaise, d'origine Corse, arrivée à Monselgues en 1973 pour épouser Gilbert, un enfant du pays. Dès son installation, Francine s'est occupée de l'église et du cimetière quelque peu délaissés. A l'intérieur de l'église Francine a modifié l'état des lieux, modulant l'espace en fonction des besoins. Ainsi a-t-elle enlevé les traditionnelles statues de la Vierge et de Joseph, habituellement placées sur les autels latéraux, pour regrouper la Sainte Famille dans un coin de l'église en un lieu unique. " Pour ne pas qu'ils languissent " dit-elle en souriant… Avec ses enfants Danielle et Hervé, Francine du haut de ses 86 printemps, dresse tous les ans la célèbre crèche provençale dans l'église de Montselgues où des scènes cocasses (la mer, le camp de romanichels, les animaux de la foret…) côtoient des scènes liturgiques. Il y a une vingtaine d'années, Francine a retrouvé, oubliée dans la sacristie poussiéreuse, la croix des mariniers qu'elle a nettoyée et suspendue sur le mur ouest de l'église où chacun peut venir la contempler (accompagnement possible, renseignez-vous à l'auberge "chez Francine", au village : 04. 75.36.94.44).
Sources :
- Eglises romanes oubliées du Vivarais de Claudiane Fabre-Martin.
- Brochure " Le musée des mariniers du Rhône à Serrières ".
- Journal de la paroisse Sainte Croix du Rhône.
Le musée des mariniers à Serrières.
Le musée des mariniers installé dans l'ancienne chapelle St Sornin de Serrières expose ses collections de juin à septembre . Il traite de l'activité de la batellerie sur le Rhône et détient quelques exemplaires de Croix des mariniers.
Adresse :
Quai Jules Roche Sud
07340 SERRIERES
Téléphone : 04 75 34 00 46
Distance à partir d'Aubenas : 125 km (2h environ par l'A.7. Entrée à Livron, sortie 12 Chanas/Annonay.