L'énigmatique légende du Chastelàs de Roma

Article paru en février 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Cette étrange histoire, emportée sur les ailes du temps, n'a depuis bien longtemps plus d'écho dans la vallée de la Volane, et à Antraigues personne ne se souvient de la légende du "chastelàs de Roma", personne !
 

Retrouvée récemment, l'histoire nous permet de revisiter le "nid d'aigle ardéchois" autrement qu'à travers les traditionnelles cartes postales et de découvrir des trésors d'une autre nature, cachés, tout près de chez nous. Pierre Charrié n'est ni un romancier, ni un conteur, c'est un historiographe. Courant la campagne, il a recueilli les témoignages et les légendes des habitants de ce pays, nous livrant à travers son premier ouvrage "Le folklore du bas-Vivarais ", un texte énigmatique : " A Antraigues se dressait le Chastelàs de Roma (château des Romains). Il reste quelques vestiges d'une très ancienne construction. C'est là que se dissimule une fabuleuse cagnotte gardée par un méchant génie. Un jour, ce dernier après une forte pluie avait étendu son trésor au soleil afin de le faire sécher. Une femme du hameau du Bouchet situé juste en face, aperçut une grande lueur. Elle vint et voyant l'or étalé désira s'en emparer. Avant de se pencher, elle fit un signe de croix, mais à cet instant tout disparut. "Il n'en fallait pas plus que ces quelques lignes pour se lancer à la recherche du trésor disparu…

L'histoire commence donc au Bouchet, ce petit hameau situé sur la rive droite de la Volane, route d'Aizac. C'est là qu'Annette Auvity, la mémoire vivante du pays nous donne les premières indications permettant peut-0être de résoudre l'énigme rapportée comme on l'a vu, par Pierre Charrié. Annette précise: "En lisant le terme "Chastelàs", mot occitan signifiant "château" on remarque sa terminaison: "às". Ces lettres sont un augmentatif du mot Château. A contrario le "ou" désigne un restrictif, comme par exemple petitou. Le mot Chastelàs désigne donc un gros château. "Poursuivons, mais au fait, quel château est visible depuis le hameau du Bouchet ? Aucun ! On aperçoit près de la montagne les lueurs (comme dans la légende) du village et c'est sans doute dans cette direction qu'il convenait de chercher.

C'est tout naturellement à Antraigues que nous avons poursuivi l'enquête, à la recherche du "gros château". Daniel Dumas, chargé des affaires d'historiques à la commune d'Antraigues, apporte par son témoignage l'élément principal, manquant à nos recherches : " Dans la région, il n'y avait qu'un gros château ; celui d'Antraigues. Le château de Craux sur la commune de Genestelle était plus modeste et plutôt animé de fonctions agricoles. Le château d'Antraigues, au contraire était un château-fort, un vrai château médiéval ". –Dans ses "Notes de voyages de Neyrac à Antraigues", Charles-Albin Mazon fait effectivement état de l'existence du "fort d'Antraigues" en 1429. Son étude précise également : " La tour féodale d'Antraigues fut vendue aux enchères le 18 Ventôse de l'an II (8 mars 1794)". Acquise par le citoyen Mazade et plus tard achetée par le curé du village, pour en faire le clocher actuel.

Tout en confirmant les premières indications apportées par Annette Auvity, Daniel Dumas, le professeur d'occitan précise :" Il subsiste du château la façade principale, les vestiges des échauguettes, une tour... " Oui, mais où à Antraigues ? Et Daniel Dumas de poursuivre : " sur la place du village, la façade du podélo et le bâtiment contigu attitré à l'espace Jean Saussac, constituent en fait, ce qui était autrefois la façade principale du château. On y remarque les vestiges des échauguettes au sommet du bâtiment, ainsi que les restes de l'une des tours du château fort. La grande place actuelle du village n'est autre que l'ancienne cour intérieure du château fort, protégée par un mur d'enceinte. Le passage entre l'épicerie et la "Montée du portail" était vraisemblablement l'une des portes d'entrée de la forteresse. Et le méchant Génie... Qui est-il ? Pas de réponse ! Faut-il deviner au travers des écrits rapportés par Pierre Charrié "le méchant génie des hommes", construisant des châteaux-forts pour y entretenir des guerres ? Quant au trésor, s'il n'apparait pas en pièces sonnantes et trébuchantes, il se découvre tous les jours au travers de ces paysages du pays d'Antraigues. Les vestiges de son château sur la grande place, la cascade de l'Espissard, en longeant la coulée basaltique... voilà les richesses de ce pays.

Note particulière à l'attention des lecteurs : Si le mot "Roma" tiré de la légende ne signifie pas romain, mais Rome, il n'en demeure pas moins, que : "l'on aurait trouvé (confère Albin Mazon) à proximité du Champ de mars tant de médailles, de débris d'armes et autres indices romains fait, d'autre part, supposer que les romains avaient un avant-poste, pour observer la vallée de la Volane, au point qu'occupe aujourd'hui le bourg d'Antraigues "…  se serait-on trompé, y aurait-il alors un autre château ?
 
Sources :
- L'Ardèche au fil du temps de Pierre Charrié.
- Notes de voyage de Neyrac à Antraigues par le Dr Francus.
- La Révista n°1 -2003 – Texte d'Hélène Terrisse.

 
Texte et clichés : Henri Klinz