L'église de Mélas

Article paru en décembre 2014
Mis en ligne en juillet 2022

À deux pas du Teil-d’Ardèche en direction d‘Aubenas, l’église Saint-Étienne-de-Mélas reste un édifice religieux fort méconnu pour grand nombre d’entre nous. Des fouilles récentes l’ont cependant mise en valeur.
 

Le quartier de Mélas correspond à un site très anciennement occupé. Il était connu sous le nom de Mélatis, à l’époque où il s’agissait d’une localité romaine qui était un poste militaire avancé d’Alba-la-Romaine, capitale de l’Helvie.
 Aujourd’hui il s’agit d’un quartier du Teil connu pour son église située en bordure immédiate de la RN 102 en direction d’Aubenas. Cette dernière malheureusement n’attire que très peu l’attention. Nous vous invitons à vous y arrêter pour l’admirer, la découvrir.
Pourtant, en son temps, c’est-à-dire en 1868, Prosper Mérimée, chargé d’établir une liste de monuments historiques sur l’ensemble du territoire national, la remarqua et lui fit bénéficier d’un classement  parmi les plus précieux témoignages d’architecture et d’histoire du département. Depuis cette année, quelques aménagements, notamment son éclairage, ont permis de la mettre en valeur. Et l’année dernière une campagne de recherches, dans le cadre de fouilles préventives en amont des travaux de voiries et de mise en valeur de l’édifice, afficha quelques découvertes majeures. Des vestiges de thermes romains datant du IIe siècle de notre ère. Compte tenu de leur petite taille, ils seraient ceux d’une auberge ou d’une villa particulière. En parallèle, des tombes des XIe et XIIIe siècles ont été exhumées. À venir d’autres travaux aux abords de l’église et également la restauration du presbytère, puis également quelques autres remises en valeur à l’exemple de la voûte, mise au jour lors de la démolition de la sacristie.

Que nous dit l’Histoire
Pour comprendre l’importance de l’église Saint-Étienne-de-Mélas,il faut tout d’abord regarder en direction d’Alba-la-Romaine, siège de l’évêché du Vivarais à partir du Ier siècle de notre ère. Vers l’an 470, sans en connaître aujourd’hui les raisons, le lieu de résidence de l’évêque devint Vivers. Plusieurs historiens ont alors affirmé que l’évêque fit, entre ces deux localités, une halte de quelques années à Mélas, comme en témoignerait la présence d’un baptistère, édifice qui était l’équivalent d’une cathédrale dans les premiers siècles de la chrétienté. Cette magnifique construction fait immédiatement penser à celle de Ravenne, mais là, point de mosaïques… D’ailleurs on ne sait rien du décor antérieur à celui d’aujourd’hui et même peut-être ne s’agit-il pas d’un baptistère, mais simplement d’une chapelle funéraire. De nombreuses interrogations restent encore, malgré les fouilles et les études. Vers l’an 550, l’évêque Thomas II note dans sa « charta vetus » la présence à Mélas d’un monastère de femmes fondé par la riche et pieuse Frénégonde. Ce monastère fut dédié à saint Étienne et saint Saturnin. Il ne reste rien de cet édifice primitif mais il est aisé de supposer la construction de l’église et du baptistère sur l’emplacement même de ce monastère. L’église se compose de trois nefs. Celle au nord, datée du Xe siècle, pourrait donc avoir été érigée sur les fondations  de la chapelle du monastère oublié. On y découvre quelques dalles recouvrant des tombes. La seconde, au centre, date du XIe ou XIIe siècle. Elle possède de beaux chapiteaux historiés évoquant le sacrifice d’Abraham ou encore la pesée des âmes. À son extrémité un escalier à vis conduit au clocher. La nef au sud fut rajoutée au XIXe siècle. Ces trois nefs communiquent entre elles par des ouvertures en plein cintre. L’édifice octogonal ou baptistère est également accessible par l’intérieur.

Mais revenons à ce qui fait sans aucun doute la richesse et l’intérêt de cette église : ce fameux baptistère. Bien sûr la date de sa construction et son usage divise toujours les spécialistes. Suite aux fouilles archéologiques de l’immédiat après guerre mettant au jour un ancien cimetière et une cuve ovale en son centre, certains assurent que cette construction était une chapelle isolée, bâtie au début du XIe siècle ayant servi de baptistère à une époque encore indéterminée. D’autres s’appuient sur son architecture pour avancer l’hypothèse d’une chapelle funéraire des débuts de l’art roman. À chacun de se faire sa propre opinion en visitant le site, en déambulant dans la pénombre des nefs et la beauté du baptistère. L’église Saint-Étienne-de-Mélas ouvre très grand ses portes à la curiosité de ses visiteurs, qu’ils soient néophytes ou spécialistes. Alors la prochaine fois que vous vous rendrez au Teil, prenez les temps d’une pause pour vous imprégner de la richesse et de la grandeur du lieu, véritable richesse patrimoniale de l’Ardèche. Trop méconnu, mais cela ne le restera plus longtemps désormais…
Texte et clichés : Bruno Auboiron