L'Affaire Conty - 4ème partie

Article paru en octobre 2017
Mis en ligne en juin 2023
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L'enquête judiciaire – 2° partie –

L'empreinte digitale retrouvée sur la paire de lunettes de soleil oubliée par les malfaiteurs sur les lieux de la tuerie de Niègles à Pont de Labeaume avait permis d'identifier un certain Pierre Conty et donc de lancer la police sur la piste des trois malfaiteurs, dont l'un d'eux était dorénavant identifié.
 

C'est à ce stade que sont apparus les premiers dysfonctionnements qui allaient intriguer la population, faisant naître un climat de suspicion parmi les ardéchois. La suite allait leur donner raison…
 
Sur le terrain, policiers et gendarmes s'activaient à rassembler des éléments matériels (recueillir les douilles pour les analyses balistiques, prélever les échantillons nécessaires aux analyses de sang, photographier les empreintes de pneumatiques, etc.) et recueillir les témoignages écrits des divers témoins. Cependant le nom de Pierre Conty ne fut pas dévoilé et les gendarmes persistaient à rechercher trois inconnus !
 
C'est à la suite de l'indiscrétion de l'un des inspecteurs du SRPJ de Montpellier que le gendarme KLINZ apprit l'identité et le passé de Pierre Conty. L'homme n'était pas un inconnu et étrangement, il disposait d'une fiche (on dirait aujourd'hui : une fiche "S") de police contenant des indications étonnantes. Chose surprenante, son identité ne fut pas révélée. Seules les autorités étaient informées. Dans un premier temps le gendarme KLINZ pensa qu'il s'agissait là d'une manœuvre destinée à ne pas attirer l'attention des malfaiteurs en fuite qui, se croyant intouchables, seraient plus faciles à "loger". Mais peu à peu un étrange scénario se mit en place. L'ensemble du personnel de la gendarmerie tenu officiellement à l'écart de l'enquête, ignorait toujours l'identité du principal suspect et toute une mise en scène fut organisée afin de garder cette information secrète le plus longtemps possible. Quatre jours plus tard, le journal télévisé affichait le portrait robot des malfaiteurs alors que l'identité de l'un d'eux était parfaitement connue des autorités !
 
Henri KLINZ écrit dans son manuscrit " j'avais l'étrange impression que quelqu'un en coulisse tirait les ficelles ". Il identifiera longtemps plus tard ce mystérieux personnage.
 
Finalement les inspecteurs de la PJ se sont rendus dans le hameau où vivait la communauté des néo-ruraux de Rochebesse (2) situé à Chanéac (canton de St Martin de Valamas) afin de dénicher les fuyards. Mais le nid était vide. Les perquisitions effectuées dans les maisons de ce hameau, occupées par les néo-ruraux, ont permis de retrouver la quasi-totalité du butin dérobé à l'agence du Crédit Agricole de Villefort, les armes utilisées pour commettre ce braquage et une carte d'identité au nom de "Stef ". Ce jeune parisien est vite apparu comme le lieutenant de Pierre Conty, complice à l'occasion du hold-up, actif lors de la fusillade avec les gendarmes et surtout présent lors du meurtre de Cyprien et Roland Malosse. Dès lors, l'identification du troisième homme ayant servi de chauffeur n'était plus qu'une formalité.
 
A Privas, le Procureur de la République ouvrit une information et confia à son juge d'instruction le soin de rassembler les preuves, de rechercher les auteurs et de les faire comparaître devant la cour d'assises pour des faits de meurtre, vols aggravés et autres chefs.
 
Pour l'heure, les trois individus étaient toujours en cavale. Dans la communauté rurale de Rochebesse le mutisme était total, alors que déjà s'organisaient les complicités permettant aux fuyards de quitter le département. Les fins limiers du SRPJ ne marquèrent que quelques jours de retard derrière les fuyards. Lorsqu'ils arrivèrent dans un petit hameau de la Drome, Pierre Conty et "son chauffeur" avaient déjà passé la frontière. Stef était remonté en train à Paris depuis la gare de Valence. Pour le grand public, l'affaire en restait là.
 
Aucune information ne filtrait de l'enquête policière. Les ardéchois, toujours inquiets, attendaient des explications de la part des autorités, tant judiciaires qu'administratives, mais rien n’était dévoilé, chacun s'abritant derrière "le secret de l'instruction", si confortable pour éviter les questions embarrassantes. Comment Pierre Conty et ses complices ont-ils pu échapper à la justice malgré un si grand déploiement de forces ? Ont-ils bénéficié de protection ? Le silence des autorités et le temps qui s'éternisait devant l'absence de résultat ne faisait que renforcer le climat délétère qui gagnait la population et le doute qui envahissait les esprits. Des noms de fils de grandes familles appartenant au milieu politique et à la haute bourgeoisie fréquentant la communauté de Rochebesse circulaient sous le manteau.
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L'été 77 s'achevait dans la confusion. Les effectifs mobilisés pour la recherche des malfaiteurs ont peu à peu regagné les casernes. Les gendarmes écartés de l'affaire n'ont plus participé aux recherches. Seule une poignée d'enquêteurs de l'antenne du SRPJ d'Avignon et de Montpellier se sont attelés à la tâche, munis d'une commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction de Privas, leurs donnant tous pouvoirs en matière de police judiciaire. Dès lors, ces quelques enquêteurs, sous la houlette du juge d'instruction, reprirent l'affaire presque à ses débuts, dans la plus grande discrétion.
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L'affaire Conty allait se poursuivre en coulisse, dans les couloirs feutrés du palais de justice où l'instruction préparatoire au premier degré allait se dérouler pendant près de deux ans. Le tribunal rendait compte régulièrement à la Chancellerie de l'avancée de l'enquête afin de pouvoir en informer "les hautes autorités". Le fait divers survenu dans l'Ardèche le 24 août 77 semblait prendre une étrange importance. L'arrestation de "Stéf" et la reddition du "chauffeur" apportaient de nouveaux éléments.
 
A suivre : L'affaire Conty - 5ème partie.​​​​​​​

(2) la presse va invariablement citer les hameaux de Rochebesse et celui de Trénas, situés à quelques kilomètres l'un de l'autre et tour à tour lieux de domicile des membres de la communauté dirigée par Pierre Conty.
Texte : Henri Klinz
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