L'Affaire Conty - 2ème partie

Article paru en juin 2017
Mis en ligne en juin 2023

Les dessous de l'affaire
 

L'épopée meurtrière de Pierre Conty et de ses complices, survenue dans le sud de l'Ardèche, le 24 août 1977 ne devait être qu'un banal fait divers. (voir MA BASTIDE  n°217 du mois de mai).
 
Appelés à disparaître avec le temps, recouverts du voile de l'oubli, ces tragiques événements auraient dû, peu à peu, quitter les mémoires. Mais les rebondissements inattendus de cette étrange saga, n'ont fait que raviver l'intérêt du public. Frustrés par le silence des autorités, floués par la décision judiciaire, déçus par l'absence des résultats de la Police, les Ardéchois manifestaient à mots couverts leur mécontentement, relayés par des articles de presse sulfureux. Terrorisme, influences, immobilisme protecteur et certains mystères, venaient alimenter régulièrement les épisodes de l'affaire Conty, aujourd'hui élucidée.
 
Le jugement de la cour d'assises de l'Ardèche survenu en 1980, devait entériner l'affaire. A cette même période, plusieurs pays d'Europe occidentale sont secoués par une vague d'attentats meurtriers : Brigades Rouges et Prima Linéa en Italie, Cellules Communistes Combattantes en Belgique, Bande à Baader en Allemagne, ETA en Espagne… La France est frappée à son tour ; une faction particulièrement dangereuse du groupe Action Directe, s'illustre à Paris où l'on dénombre près de 80 attentats. Ses principaux leaders Jean-Marc Rouillan et Nathalie Ménigon défient la chronique après l'assassinat notamment de Georges Besse, le patron de Renault (également directeur d'Eurodif, sur le site nucléaire du Tricastin). Les autorités décident d'éradiquer le mouvement terroriste. A Paris, une opération de Police entraîne des échanges de coups de feux, en pleine rue de la capitale, avec des sympathisants du mouvement. Au cours de cette fusillade, Laurent Louéssard, activiste d'Action Directe est appréhendé, ainsi que sa compagne Maria Pilar. La perquisition effectuée au domicile parisien du couple, permet la découverte de près de 600 kg d'explosifs. Interrogé sur la provenance de ces explosifs dont quelques bâtons ont déjà été remis à branche armée espagnole d'ETA, Laurent Louéssard explique que ceux-ci proviennent d'Ardèche et appartiennent à Pierre Conty. Une vaste opération judiciaire est lancée par les policiers chargés de la lutte anti-terroriste, avec l'assistance des hélicoptères de l'armée. Les fonctionnaires parisiens spécialisés dans ce type d'opérations investissent Chanéac, lieu, en Ardèche, de refuge des assassins de la tuerie ardéchoise survenue six mois auparavant. Mais la tanière est vide. Seuls quelques néo-ruraux occupent encore les lieux où sont découverts une cache d'armes, enterrée et contenant près de 1200 kg d'explosifs volés au génie civil dans l'Isère. Les personnes présentes sur place sont appréhendées mais avec le changement de gouvernement survenant quelques mois plus tard, la Cour de Sûreté de l'Etat qui instruisait cette affaire est dissoute, le dossier passe à la trappe et les personnes arrêtées à Chanéac sont remises en liberté… 
 
Arrêté quelques mois plus tard en Hollande, le lieutenant de Pierre Conty est assisté par Maître Badinter, futur ministre de la justice qui entreprend avec le gouvernement des Pays-Bas, des transactions officielles afin d'extrader son client, et le faire revenir à Paris où sa famille influente le réclame. La politique prend maintenant le pas sur le judiciaire.
 
Le dossier "Conty" jusqu'alors suivi par la Police dans le cadre de l'affaire de droit commun qui concernait la tuerie de l'Ardèche, est passé désormais entre les mains des inspecteurs de l'anti-terrorisme parisien. Dès lors, plus aucune information ne va filtrer. Pour tous, l'affaire Conty est définitivement enterrée... 
 
Mais voilà, un gendarme ardéchois va secrètement poursuivre les recherches en marge de sa hiérarchie et des autorités judiciaires. Au prix de 35 ans de patience, de discrètes recherches, d'accumulation de témoignages et d'éléments de preuves, le gendarme Klinz, souvenez-vous, rescapé de la tuerie du 24 Août 1977, va retrouver la piste de Pierre Conty, identifier les complices et l'itinéraire lui ayant permis de quitter l'Ardèche. Aujourd'hui à la retraite, cet ancien militaire a rédigé un manuscrit de près de 150 pages avec photos et documents à l'appui, racontant son parcours, livrant non seulement les protections dont a bénéficié Pierre Conty, mais expliquant aussi, le chemin emprunté par le fuyard, sans qu'il ne soit jamais inquiété. Il livre au grand jour, sous forme d'une véritable "contre-enquête", sa propre analyse de "l'affaire": les pressions personnelles, les secrets de Police, les confidences reçues dans les couloirs du palais de justice, et bien d'autres encore. Il décrit également ses rencontres avec les familles, les confidences des témoins oubliés, les preuves matérielles délaissées, les interventions de hautes personnalités, les erreurs des magistrats, etc. Quant à Pierre Conty, bénéficiant de la loi d'amnistie, il peut aujourd'hui circuler librement sur le territoire national sans risquer d'être inquiété.
​​​​​​​ 
Pour MA BASTIDE, votre magazine, l'enquêteur rescapé de la tuerie du 24 août 1977, livre ses sentiments personnels, sans esprit de revanche, ni d'amertume. Oui, comment a t-il vécu cette affaire "de l'intérieur", sa vie d'homme, ses angoisses, et surtout … sa solitude ! Sa grande solitude. Il se confie.

A suivre : L'affaire Conty - 3ème partie.

Texte : Henri Klinz
Clichés : Droits Réservés