Prenons de la hauteur pour débuter notre petit tour d’horizon des stations thermales ardéchoises. Gagnons Saint-Laurent-les-Bains. Le village, bien que planté dans un décor résolument montagnard dominant la Borne juvénile à 840 mètres d’altitude, bénéficie d’un climat aux accents méditerranéens. Au cœur de cette nature préservée, une eau à 53° sourd des entrailles de la terre. Elle soigne les rhumatismes et les problèmes articulaires. Au pays de Taranis, dieu celte du tonnerre dont le massif du Tanargue tire son nom, les Romains profitaient déjà des bienfaits de cette eau. À l’époque des seigneurs de Saint-Laurent, qui furent longtemps propriétaires des eaux chaudes, les thermes étaient alors réduits à une piscine exposée aux quatre vents à l’abri d’un simple hangar. Au début du XVIIe siècle, Abraham Girard, pharmacien de Joyeuse, pu acheter les bains à la condition de les restaurer tout en ménageant une salle pour loger les pauvres et les soigner gratuitement.
Mais après différentes péripéties, l’exploitation des thermes débuta vraiment quand, à l’issue de la Révolution, ils arrivèrent entre les mains du docteur Bardin. Un établissement de soins digne de ce nom et un hôtel d’une centaine de lits furent érigés. Ainsi de 141 curistes en 1804, la fréquentation augmente à 293 en 1805, 479 en 1815 et à 1 500 en 1840. Puis vint l’essoufflement, comme dans bon nombre de stations thermales. Et en 1986, le Syndicat intercommunal pour le thermalisme et l’environnement (Sithere), nouveau propriétaire des thermes, en confie la gestion à la Chaîne Thermale du Soleil. Une nouvelle ère débute pour le thermalisme à Saint-Laurent-les Bains.
Au fil de l’Ardèche
Descendons maintenant des montagnes et laissons-nous glisser le long de la vallée de l’Ardèche pour découvrir Neyrac-les-Bains, hameau à l’écart du centre du village de Meyras. Ici aussi, les Romains fréquentaient les eaux pour soigner maladies de peau et rhumatismes. Mais comme ces eaux avaient aussi la réputation de soulager des conséquences de la lèpre (à prendre dans le sens général de maladie de peau !), une piscine en châtaignier (découverte en 1941) et une maladrerie furent érigées beaucoup plus tard. Cette dernière fut détruite pendant les guerres de Religion et les eaux de Neyrac tomberont dans l’oubli, sauf peut-être localement. Jusqu’à la Révolution, Neyrac n’est plus visité que pour la mofette (voir encadré) et on se contente simplement de boire son eau.
Pendant une vingtaine d’années, au milieu du XIXe siècle, des médecins ardéchois et venant de la Haute-Loire voisine, firent des essais thérapeutiques avec les eaux et les boues de Neyrac. À l’issue de ces expériences archaïques, le gouvernement français autorisa la construction d’un établissement thermal et l’utilisation des sources à des fins médicales, jusqu’à la guerre de 1870. Neyrac connaîtra alors son heure de gloire, comme l’ensemble des stations thermales dont la fréquentation est encouragée par Napoléon III et sa suite.
La meilleure saison, ils furent 1 500 à profiter des eaux de Neyrac-les-Bains. Puis à nouveau, le site va décliner et s’endormir. Il faut reconnaître que la concurrence avec Vals-les-Bains n’était pas tendre. En 1938, pour jouir des bienfaits de cette eau, les curistes devaient amener leur baignoire personnelle et l’eau était chauffée dans des lessiveuses. Pendant ce temps, Vals-les-Bains accueillait près de 9 000 curistes. Quelques années plus tard, l’ancien établissement, quasiment en ruines, fut démoli et un nouveau bâtiment dédié aux soins dermatologiques fut construit. Officiellement, le 8 juillet 1945 la station reprit du service.
En 1983, la municipalité de Meyras décida de lui redonner une seconde jeunesse. Ses responsables imaginèrent même de monter l’eau de Neyrac jusqu’au cœur du village pour y implanter des thermes modernes. La réalisation du projet fut plus modeste et la réhabilitation de la station thermale s’appuya sur l’existant. Mais si les eaux ne furent pas pompées jusqu’au village, il est vivement conseillé aux 3 000 curistes fréquentant annuellement les thermes et aux visiteurs d’emprunter le chemin pavé, la voie Domitius du nom d’un ancien consul romain, et de s’arrêter un instant au point de vue dégagé entre les chênes verts pour jouir du panorama sur la vallée de l’Ardèche, de la Chavade jusqu’aux thermes de Neyrac-les-Bains.
L’heure des Élégantes
Dernière étape : Vals-les-Bains, incontestablement la plus connue des stations thermales de notre département… mais, à Vals, un seul instant imaginons la vie à la belle époque du thermalisme. Sous les grands séquoias du parc thermal en rives gauche et droite de la Volane, après la fraîcheur des élégants pavillons des sources captées où l’on dégustait l’eau gazeuse et ferrugineuse, la vie s‘écoulait paisiblement. Robes longues et costumes trois pièces occupaient les chaises dispersées à l’ombre des arbres, écoutant parfois d’une oreille distraite la musique des kiosques tout en lisant et bavardant. En fin d’après-midi, chacun regagnait son luxueux hôtel pour un dîner composé des mets les plus fins. Luxe et confort s’imposaient alors tout autour des thermes, tandis qu’un peu plus en amont les moulinages vivaient leurs derniers instants.
Le thermalisme, dont le développement débute au XVIIe siècle avec la découverte de la première source par un pêcheur, attira une bourgeoisie fortunée, entraînant avec elle un certain goût du luxe et du plaisir ainsi que le développement de la culture dont bénéficièrent théâtre et opéra. La ville était alors schématiquement coupée en deux : les quartiers populaires en amont et le quartier thermal en aval. De ce passé, il reste de nombreux témoignages. Les grands hôtels, le parc aux arbres bicentenaires, les pavillons des sources et leurs grottes artificielles idéalisées, la source intermittente, le casino, le petit théâtre à l’italienne rappelant le splendide théâtre des Célestins de Vichy…
Les eaux bicarbonatées et sodiques des 143 sources présentes à Vals-les-Bains sourdent à 13°. Aujourd’hui seulement sept d’entre elles sont exploitées dans l’établissement thermal : la Dominique, la Saint-Jean Favorite, la Camuse, la Précieuse, la Constantine, la Désirée et la Rigolette. Leurs qualités sont l’héritage de la géologie complexe et du jeune volcanisme de l’environnement de Vals-les-Bains. Et pendant que les curistes se pressent aux portes de l’établissement thermal pour soigner diabète et voie digestive et surtout prendre soin d’eux, gagnons l’ombre bienfaitrice des arbres du parc thermal et attendons l’heure du jaillissement de la source intermittente.