Eglise de Fabras

Article paru en décembre 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Sous la dernière couche monochrome de peinture à l’intérieur de l’église de Fabras, sont dissimulées au moins sept couches d’enduits ou de peintures. Des prélèvements ont révélé sous la croûte beige, un trésor pictural datant du XVIe siècle, réalisé à fresco, chose très rare en Ardèche, et du XVIIIe siècle.
 

L’actuelle église Saint-Pierre de Fabras, dominant le paysage alentour et tournée au levant, date du XIIIe siècle. Primitivement elle ne possédait qu’une nef à laquelle les moines ajoutèrent trois chapelles latérales formant ainsi comme une seconde nef en parallèle. L’une de ces chapelles fut fondée, sans doute à la fin du XVIIe siècle, par la famille Chanaleilles de Fabras. Plusieurs de ses membres reposent sous les dalles de l’église et des éléments des fresques découvertes, font directement référence à cette famille ; nous y reviendrons un peu plus tard. Plusieurs restaurations permirent à cet édifice de franchir sans trop de mal les siècles. Celle de la fin des années quarante, lui offrit deux vitraux signés Jean Balayn, artiste drômois de Loriol, et celle de ces dernières années, deux nouvelles cloches fondues, grâce à un don anonyme conséquent d’une descendante d’un habitant du village. C’est d’ailleurs cette dernière tranche de restauration, libérant le parement des pierres extérieures de leur prison d’enduit en ciment, qui a donné l’idée à Raymonde Vernière de créer l’association « Des Pierres et Des Liens » dont elle est devenue présidente. Son but est de promouvoir et d’initier la restauration intérieure de l’église, tout en faisant vivre le lieu par l’organisation de concerts, trois par an pour l’instant, et des visites guidées lors des journées du patrimoine et aussi sur simple demande. Les bénéfices de ces actions seront intégralement consacrés à la restauration des fresques. « J’ai trouvé la restauration extérieure emballante, explique-t-elle. Alors je me suis dit : pourquoi pas l’intérieur maintenant ? »

Armand Guérin, ancien employé des Bâtiments de France alors en retraite à Lalevade, distilla de précieux conseils pour la restauration extérieure de l’édifice et aussi livra quelques idées pour l’intérieur. Il convient désormais de dégager le soubassement des murs de son crépi très chargé en ciment, pour laisser respirer la pierre et supprimer l’humidité. Un essai a eu lieu, réalisé par les bénévoles de l’association, mais le chantier se révèle de grande ampleur. Une fois le bas des murs assaini, il sera possible de l’enduire à la chaux. L’autre tâche, confiée à des spécialistes, fut de dégager des fenêtres dans l’enduit des murs pour découvrir ce qui se cachait en dessous. « On compte entre sept et neuf couches de peinture, souligne Martine Diercé, secrétaire de l’association. Les deux plus intéressantes sont celles datées des XVIe et XVIIIe siècles. Pour la première, il s’agit d’une réalisation à fresco, c’est-à-dire que l’artiste a incorporé les pigments naturels dans l’enduit à la chaux encore frais, plutôt que de peindre par dessus. Cette technique assure une plus grande longévité aux décors, lesquels ici, furent réalisés au pochoir. Les fresques de cette époque sont sans doute l’œuvre d’artistes italiens, rémunérés par la famille Chanaleilles. C’était une technique fort onéreuse au XVIe siècle, on en trouve peu de traces en Ardèche. » Il s’agit plus exactement d’une litre funéraire, c’est-à-dire une bande noire peinte à l’intérieur d’une église pour honorer un défunt. Celle-ci, présente dans toute l’église, porte le blason des Chanaleilles, d’or à trois lévriers de sable colletés d’argent courant l’un sur l’autre.

Une étude détaillée, réalisée par l’atelier Jouve-Malfatto d’Étoile-sur-Rhône, atelier de conservation et de restauration du patrimoine et des objets d’art, a permis d’établir un diagnostic général destiné à pouvoir proposer un protocole d’intervention. On peut lire sur le rapport final, daté de novembre 2015 : « D’une façon générale toute la travée des trois chapelles est très dégradée. La repeinture récente adhère, colle très fortement au niveau antérieur… Les causes des altérations font cloquer les enduits et s’effeuiller les couches picturales… Le rapport est fait dans l’ordre des découvertes. Elles ont été faites par voie mécanique, scalpel et petit burin. » Comme l’atteste encore ce rapport, les couches picturales sont en général fragiles et difficiles à dégager. Ses conclusions insistent sur la nécessité à sauvegarder ce patrimoine et à mettre à jour et restaurer la litre funéraire pour son intérêt esthétique, historique, iconographique, son étendue et son état de conservation.

Bien sûr, selon les interventions qui seront décidées, cette restauration et cette conservation demanderont sans doute des années d’un travail patient et méticuleux. Mais comme les travaux extérieurs ont mis l’église hors d’eau et donc en même temps stoppé les causes principales de la dégradation des fresques, l’urgence n’est plus vraiment à l’ordre du jour. « C’est un patrimoine que nous ne pouvons pas laisser sans protection, soutient Raymonde Vernière. Nous devons œuvrer pour trouver les moyens de financer l’intervention indispensable. » Appels aux dons, souscriptions et demandes de subventions, rien ne sera de trop pour venir à bout de ce nouveau chantier de l’église.
 
Adresse
Association Des Pierres et Des Liens
despierresetdesliens@orange.fr
L’église est ouverte tous les jours et des visites guidées peuvent être assurées sur simple demande.
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron