Chandolas

Article paru en avril 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Chandolas ou Maisonneuve, deux églises, deux clochers. Deux entités, deux paroisses pour une seule commune
et finalement Chandolas prit le pas sur Maisonneuve…
 

Les deux clochers se dressent fièrement dans le ciel en rive gauche du Chassezac, mais ne se voient pas. Pourquoi le nom de Chandolas et pas celui de Maisonneuve ? Ce dernier, implanté le long de la route d’Alès, occupait une position plus favorable au développement du commerce. En maints cas, cette communauté aurait pu tirer la couverture à elle. Voilà qui est surprenant.
Tout aussi surprenant est la discrétion du Chassezac. Il ne s’offre pas à la vue depuis les ruelles et les places des deux bourgs. Il faut se donner la peine d’y aller, pour découvrir son cours tranquille dominé par de magnifiques falaises. Et puis la plaine fertile en aval de Chandolas, où l’agriculture prit ses aises. Les hommes ne pouvaient qu’être incités à s’installer en ces lieux.
On trouve des traces d’occupation du site dès le néolithique, grottes habitées et dolmens enfouis dans l’oubli de la garrigue en témoignent. Puis vinrent les Gaulois et les premiers temps de l’ère catholique. Une église à Maisonneuve, dont le nom était alors Saint-Laurent-d’Avonas, semble être présente dès le VIIe siècle, tandis que l’église primitive de Chandolas ne fut érigée qu’au XIIe siècle. Les invasions barbares ruinèrent la région, mais à chaque fois, la vie fut la plus forte, les hommes revinrent et l’activité reprit… Au Moyen-Âge, c’était le chef religieux de la Commanderie de Jalès, ordre des Templiers puis celui des Hospitaliers ou ordre de Malte, qui régnait sur Chandolas et les terres alentours. Une protection qui ne suffit pas à épargner Saint-Laurent-d’Avonas des ravages des attaques des routiers, sortes de brigands incontrôlables. La reconstruction du village lui offrit le nom de Maisonneuve. Pendant les guerres de religion, l’église de Chandolas subit les assauts des Protestants. Puis il y eut la période troublée de la révolution française. Sans oublier les combats pendant la seconde guerre mondiale avec la célèbre bataille de Maisonneuve en 1944, pendant le repli des troupes allemandes. Oui, Chandolas connut des moments difficiles. Mais toujours la vie fut tenace en ce lieu et gagna.

La plaine du Chassezac était un attrait considérable à l’époque où la terre nourrissait les hommes. La polyculture permettait à bon nombre de familles de vivre et les excédents de production rapportaient quelques sous. Au XVIIIe siècle, les arbres fruitiers, les céréales et bien sûr la sériciculture avec la plantation des mûriers marquèrent un tournant pour l’économie rurale qui devint franchement prospère. Cette relative opulence déclencha la construction du pont de Maisonneuve en remplacement de l’antique bac sur la rivière. C’est aussi le temps de la reconstruction des deux églises actuelles, et même d’une troisième jamais achevée, au hameau de Pazanan. En 1850 la route menant à Ruoms fut ouverte dans la plaine. Cette embellie prit fin avec la première guerre mondiale, dévoreuse d’hommes des champs et déclencheur d’un exode rural massif par la suite. Il est à noter qu’un habitant de Maisonneuve, Jules-Aimé Dalzon, possède une part de responsabilité dans les massacres de la guerre puisqu’il co-inventa une amélioration annihilant le recul des canons, brevet qui fut amplement et rapidement adopté par toutes les armées.

Le visage de Maisonneuve est bien différent de celui de Chandolas. Si le premier s’étire le long de la route d’Alès, le second est ramassé sur lui-même autour de son imposante église. Un petit marché l’anime chaque vendredi matin et lui confère un petit air méridional. Il est aussi le siège de la mairie et de l’école. Tout autour, les mûriers devenus inutiles, la vigne, les prés de fauche et quelques bovins. Et entre les deux lieux de vie, s’élève une pépinière qui accueille pour trois ans, trois jeunes artisans d’art, au croisement des routes et un tout petit jardin unique tout à côté.

Ce jardin est dédié au sculpteur Antoine Gurlhie. Cet homme étonnant est né en 1862 à Chandolas. Sans doute parce qu’il fut orphelin à l’âge de six ans, il sut développer un caractère hors du commun. En 1905 il s’installa à Beauchastel pour pratiquer son métier de pêcheur dans les eaux du Rhône et de l’Eyrieux. En parallèle, il mit au point et fabriqua des filets pour la pêche et des collets pour la chasse qu’il vendait sur catalogue. Plus de vingt ans après son départ, il acheta par nostalgie une maison à Maisonneuve, et il partagea son temps entre Beauchastel et sa nouvelle résidence jusqu’à sa mort en 1944. Mais ce qui fit de cet homme quelqu’un à part, ce fut l’ouverture qu’il pratiqua à l’âge de soixante-et-un an vers la sculpture. Façonnant le béton armé et des morceaux de métal, il prit pour modèle la nature l’environnant et imagina un bestiaire fait de loutres, brochets, renards, oiseaux, serpents… Il donna ainsi naissance à une trentaine de sculptures, dont certaines sont exposées dans ce petit jardin. Il donne à voir une facette de l’art brut naissant alors, un art exécuté par des personnes ne possédant pas de culture artistique académique, seulement guidées par l’impulsion et l’imagination. De quoi finir en beauté cette découverte de Chandolas…
En savoir plus :
http://www.chandolas.fr
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron