Chambonas

Article paru en septembre 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Les hauts toits pointus d’ardoises et tuiles vernissées des tours de l’imposant château dominent le village aux maisons semblant ramassées sur elles-mêmes, n’osant prendre leurs aises que sur la rive du Chassezac à proximité du pont au sein d’un environnement hérissé d’arbres et de vignes alentours.

Quand on évoque le village de Chambonas, la première image qui s’impose à l’esprit est l’imposant château se dressant en rive gauche du Chassezac. Ses tours, qu’elles soient fines ou plus opulentes, aux toits élancés comme des pointes de flèche, sont altières. Tout à côté, l’église se fait oublier. Mais Chambonas n’est pas simplement juste cet élément incontournable du patrimoine, c’est aussi l’unique rue longeant la rivière et débouchant sur l’élégant pont à arches enjambant l’eau claire et vive. Les commerces affluaient dans cette rue, il n’en reste plus que deux.

Le château, l’église et le pont roman : trois éléments patrimoniaux essentiels pour cette petite commune à deux pas des Vans et dont l’économie, autrefois principalement agricole, repose aujourd’hui sur le tourisme. À propos d’agriculture, une explication avancée pour l’origine du nom Chambonas serait « campus bonus », autrement dit bons champs. Il semble que cette explication soit trop simpliste et qu’il convienne de considérer la boucle que le Chassezac décrit à cet endroit, « cambo », pour trouver l’origine du nom de ce village ensoleillé.

En arrivant depuis la route des Vans, un point de vue est aménagé dans un virage. Il faut prendre le temps d’admirer le site pour en mieux comprendre l’organisation, apprécier les lignes du paysage, l’intégration du pont dans la vallée à peine encaissée et la masse imposante du château, car tout nous ramène à ce bâtiment qui est incontournable. Son emplacement défend et surveille le passage de la rivière par le magnifique pont à arches. Ce dernier fut lancé au-dessus de l’eau au XIIIe siècle par les moines de Saint-Gilles puis détruit et reconstruit trois siècles plus tard. Il connut également des dommages à cause des bombardements de 1944 et dut à nouveau être restauré. Auparavant seul un gué permettait la liaison entre les deux rives. Dès le XIe siècle existait déjà sur l’emplacement du château une tour, la tour nord actuellement maintes fois remaniée pour être intégrée au bâtiment actuel. Cette terre de Chambonas était un fief géré par l’abbé de Saint-Gilles qui demanda au chevalier de La Garde-Guérin d’assurer la surveillance du gué. Ainsi celui-ci devint le premier seigneur du lieu.

Ce château, qui rappelons-le ne se visite malheureusement pas, à l’allure aujourd’hui que le temps et les conflits lui ont imposé, notamment les guerres de religion qui le transformèrent en une place forte redoutée avec un complément de tours et de mâchicoulis. Son utilité militaire n’étant plus à l’ordre du jour, le château devint petit à petit une résidence agréable à vivre. Au XVIIIe siècle, les décors à l’italienne apportent une certaine gaité aux pièces à vivre. De nombreuses sources furent captées aux alentours pour approvisionner en eau l’ensemble des fontaines et des bassins, dont on aperçoit un exemple derrière les grilles du portail d’entrée face à la rue montant depuis le pont. On dit même que les jardins en terrasse furent l’œuvre de Le Nôtre ; sans doute plus vraisemblablement sont-ils nés du dessin de l’un des élèves du maître… Au XIXe siècle, le château connut ses dernières modifications avec principalement une aile ajoutée sans dénaturer l’harmonie de l’ensemble.

Regardant le château, comme ramassée sur elle-même face à l’imposant bâtiment la dominant, l’église de Chambonas n’en mérite pas moins un regard appuyé. Située n’importe où ailleurs, elle serait la reine du lieu, ici elle n’est que sujet d’un roi devenu bien pacifique. Sous son élégante toiture en toit de lauzes, la nef unique de l’église Saint-Martin est reliée à l’ancienne cure, érigée au XVIIIe siècle par le prieur Claude Allier célèbre contre révolutionnaire, par un mur commun. Édifice roman du XIIIe siècle, sa décoration est riche. Elle donne à voir la végétation locale représentée dans la pierre : la vigne et une serpe, les feuilles de châtaignier, les pommes de pin… Son primitif clocher à peigne fut remplacé par l’actuel et la monumentale chaire fut offerte au XIXe siècle par les propriétaires du château.

Le village semble coupé en deux. Après avoir flâné dans les quelques ruelles du bourg lové au pied du château, admiré les façades des maisons dont certaines datent sans doute de la fin du XVIe siècle, on traverse un espace dégagé pour descendre au bord de la rivière, tout à côté du pont. Le Chassezac, depuis sa source lozérienne du Mourre de la Gardille, s’apprête à quitter ici son territoire cévenole pour suivre son cours inférieur dans le calcaire avant de rejoindre l’Ardèche. Son franchissement était un point de passage obligé autrefois pour les voyageurs et commerçants voulant relier la plaine à la montagne. C’est certainement pour cette raison qu’une partie du village s’installa sur sa rive gauche.
La vie du village s’est aussi développée dans les nombreux hameaux le composant dont celui de Sielves aux maisons remarquables et celui de Marvignes avec ses arcades sous les maisons. Oui, il faut se détourner un temps de l’attraction du château pour découvrir la campagne alentour et en goûter tous les charmes qui font de Chambonas une commune unique.
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www.chambonas.com
Texte et clichés : Bruno Auboiron