Il est vain de chercher le bourg de Casteljau, il n’existe pas. Si Casteljau était autrefois bel et bien une commune, cette dernière n’était composée que d’une multitude de hameaux dispersés sur chaque rive des infranchissables gorges du Chassezac. Une bien curieuse situation. Son association avec la commune voisine de Berrias, le 4 juin 1975, lui offrit enfin un vrai bourg. L’histoire de ce territoire est riche. Son occupation remonte aux temps les plus anciens de l’Aurignacien, même époque que l’occupation de la grotte Chauvet. Une cinquantaine de dolmens, une nécropole gallo-romaine, des sépultures mérovingiennes sont les témoins d’autres époques révolues.
Au nord de la nouvelle commune, au centre d’une presqu’île ménagée par les caprices du Chassezac, se dresse depuis le XIIe siècle le château de Casteljau. Menaçante ruine après son évolution en ferme dès le XVIe siècle, sa restauration et métamorphose en centre de vacances furent confiées à des architectes ayant déjà signé les Tours de la Défense, le palais omnisports de Paris-Bercy et le stade du Parc des Princes… Ce bâtiment reprit donc vit au début des années quatre-vingt. Autrefois sa chapelle était le siège de la paroisse de Casteljau, jusqu’à son remplacement par l’église des Borels, l’un des hameaux de la commune, érigée au XIXe siècle. Plus au nord encore, le hameau de Pazanan présente la particularité d’être le point de jonction entre les trois communes de Chandolas et des Assions, en plus de celle de Berrias-et-Casteljau. C’est là que se situait la limite entre les juridictions du roi de France et de la commanderie de Jalès, cette dernière dépendant directement de l’autorité du pape. La commanderie de Jalès, à l’autre extrémité de la commune est un lieu important (voir numéro 14 de Pleine Tête). À l’origine château de Jalès, il est devenu commanderie des Templiers au XIIe siècle. Elle occupait le faîte d’une butte au milieu de la plaine de Berrias. Entre ses murs se développaient la vie des moines-soldats et une intense activité liée à ce grand domaine agricole dont les imposants revenus alimentaient les caisses de l’ordre. Après le célèbre procès des Templiers, la commanderie de Jalès revint aux Hospitaliers qui la gardèrent jusqu'à la Révolution française. Entre 1790 et 1792, trois camps catholiques désireux d'en découdre avec les Protestants gardois, occupèrent successivement le site. Ces conflits occasionnèrent quelques dégâts dans la commanderie, mais surtout à la destruction intégrale du château de Banne où le chef du troisième camp, le comte du Saillans, s’était réfugié… Aujourd'hui, la commanderie de Jalès est en partie occupée par l'Institut de préhistoire Orientale du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique).
Mais revenons au bord du Chassezac. Barrière infranchissable coupant le territoire de la commune en deux parties, cette rivière connut pourtant une tentative de liaison grâce à un pont jeté à la hauteur du hameau de Chaulet. La colère du Chassezac en vint rapidement à bout, en moins d’un an. Tout à côté le bois de Païolive se confond avec les gorges du Chassezac. Ce bois, par les hasards de l’évolution naturelle, est un survivant des forêts antiques. Ce qui le sauva de l'exploitation humaine, ce fut sans aucun doute son chaos rocheux rendant le site impénétrable par endroits. « Nous aimons nous promener dans cet univers minéral et végétal déroutant, raconte Germain, randonneur averti. Mais ce que j’aime surtout, c’est le sentier René Roche. Il nous permet de marcher dans une ambiance envoûtante et mystérieuse. »
De la visite de Berrias-et-Casteljau, on retient donc les richesses de la nature sur laquelle la communauté humaine s’est développée. Son nom est connu des géologues du Monde entier depuis 1852, date à laquelle Henri Coquand découvrit une couche calcaire typique du début du crétacé. Il donna à cet âge de la Terre le nom « berriasien ». Dans le lit du Graveyrou, près des carrières de Berrias, cette strate minérale nous fait remonter cent quarante millions d’années. Dans un climat tropical, une mer recouvre la plaine s’étendant de Privas à Alès. Les dépôts sédimentaires ont piégé des éléments de vie de cette époque et nous les restituent aujourd'hui. « Au milieu du XIXe siècle, les géologues ont défini les âges géologiques, explique le géologue Arnaud Marlon. Pour ce faire, ils étudiaient les traces de vie fossilisées décelées dans les roches sédimentaires. Quand l’un d’entre eux identifiait avec certitude une période, il donnait à la couche rocheuse, dite stratotype, le nom du lieu de sa découverte. C’est ainsi que naquit le stratotype de Berrias. » Cet âge du berriasien s’étale sur cinq à six millions d’années.