Au pied de la pente basaltique coule le Frayol, modeste rivière baignant la base d’Aubignas. Enfermées entre des remparts érigés au Moyen Âge et plutôt bien conservés, les maisons de ce petit village sont dominées par un château et une église du XIe siècle de style roman, intégrée dans l’ancien système de défense. Il s’agit en fait de l’ancienne chapelle du château, et le donjon primitif est devenu l’actuel clocher de l’église… Mais l’histoire d’Aubignas débute bien avant l’époque médiévale.
À trois kilomètres au nord du village, au lieu-dit Vaugourde en rive droite du Frayol, le géologue Alfred Tocarpel découvrit des fossiles d'origine animale et végétale. C’était en 1882. Plus d’un siècle après, en 1993, sur l’autre rive du ruisseau, une équipe du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris investissait Aubignas et fit de nouvelles découvertes sans toutefois mettre au jour des vestiges humains. Mais quand, au néolithique, les hommes s’établirent dans la plaine dominée par des promontoires rocheux nécessaires à l’établissement de leur camp en toute sécurité, on peut supposer que le site d’Aubignas a connu sa première occupation humaine. Toutefois rien ne le prouve.
À l’époque romaine, avec le développement d’Alba, alors cité se plaçant au même rang que Nîmes ou Avignon, on peut imaginer qu’Aubignas, située à peine en marge de l’axe important reliant Alba à la vallée du Rhône, bénéficia des avantages qu’offrait la vaste cité antique. La plaine alentour était couverte de vigne et autres cultures et nombreuses étaient alors les villas. L’une d’entre elles, dressée à un endroit non déterminé aujourd’hui, appartenait à Albinus. Au fil des siècles, ce site deviendra Albiniaco, Albiniac, Aubignias au Moyen Âge et enfin Aubignas au XVIIe siècle… Vint ensuite le temps des grandes invasions, Alba s’effondre. Le pouvoir religieux gagne la vallée du Rhône et Viviers.
Avec le Moyen Âge, période à peine moins troublée que la précédente, l’écriture de certaines chartes définit les servitudes que les paysans devaient aux seigneurs. Malgré celles-ci, les conditions matérielles des habitants d’Aubignas semblent s’améliorer un peu. Enfin jusqu’à ce qu’éclatent les troubles des guerres de religion. Le point d’orgue de ces conflits atteint Aubignas une nuit de printemps 1574, quand le capitaine Bonas, arrivant de Villeneuve-de-Berg, détruisit le château et saccagea les maisons du village.
Puis la paix revint peu à peu. Le château se releva de ses ruines, les maisons et les fermes également. Céréales, chanvre et vigne sont cultivés à grande échelle, les pâturages entretenus et au-dessus du village les châtaigneraies prospèrent. Le domaine d’Olivier de Serres n’est pas loin d’ici et les mûriers indispensables à l’élevage des vers à soie envahissent la plaine, conduisant à l’édification des magnaneries. Avec l’arrivée du chemin de fer, l’ouverture des carrières de basalte et l’avènement de la mécanisation, le monde rural se transforme et nous donne à voir le village tel qu’il est aujourd’hui.
Une fois garée la voiture à l’entrée du village, il est bon de revenir un peu en arrière pour visiter la petite place livrant les secrets du basalte et de son exploitation. Puis on pénètre l’enceinte du bourg par une porte voûtée précédant une longue rue en escalier. Cette porte d’origine médiévale, a profondément été remaniée au XIXe siècle, mais elle reste toutefois très belle. De ruelle en ruelle, à l’intérieur des remparts, Aubignas offre ses vieilles et magnifiques pierres volcaniques au regard des visiteurs. Fenêtres à traverse, avec arc en accolade, encadrement de portes et de fenêtres, arceaux jetés entre les maisons au-dessus des rues sont comme des accents marquant l’écriture minérale de l’architecture du village. Parfois au détour d’un passage, on découvre un four à pain à encorbellement, surplombant la façade des remparts sur lesquels aujourd’hui ne subsistent plus que deux tours rondes.