Arcens

Article paru en janvier 2017
Mis en ligne en juillet 2022

Le petit village, à la frontière de la montagne ardéchoise et des Boutières, vit paisiblement à l’ombre de l’imposant rocher de Soutro, de sa chapelle rustique et de son discret château. C’est sa source minérale captée et exploitée qui en fait un lieu dont le nom est connu.
 
Arcens étire ses maisons en rive droite de l’Eysse, affluent de l’Eyrieux, tandis qu’en rive gauche, face au village, se dressent une statue de la vierge et une chapelle aux allures très champêtres au sommet du rocher de Soutro. Un village aux extrémités marquées par l’église et le château, sans doute la partie la plus ancienne du village. En remontant la route de Saint-Martial, on remarque un vaste espace occupé par les usines d’embouteillage de l’eau minérale d’Arcens. Cette eau pétillante, naturellement gazeuse, a fait la renommée du village. Elle accumule ses bienfaits lors de son passage à travers les roches volcaniques de la montagne. Les premiers forages furent réalisés en 1924 et sa commercialisation date de 1936.

Situation géographique oblige, depuis toujours, Arcens se trouve à la frontière de territoires. Au Moyen-Âge, le village marquait les limites des trois seigneuries de Brion, Chanéac et Fourchades, entre le plateau et la vallée. Les premières mentions écrites de l’existence d’une communauté villageoise en ce lieu de passage, dateraient du début du XIe siècle. Un siècle plus tard son église était placée sous la responsabilité du chapitre du Puy-en-Velay puis des moines de l’abbaye de Saint-Chaffre. La construction de l’église actuelle débuta en 1860 sous l’impulsion de son curé, l’abbé Régis Noyer, homme dynamique, en lieu et place de l’ancien édifice religieux du XIIe siècle abîmé pendant la révolution française, devenu trop petit et mal adapté à la ferveur des croyants de cette époque révolue. La première pierre fut posée et bénie le 21 avril 1861 et l’église inaugurée le 15 août 1862. Il s’agit là d’un exemple rare d’une construction aussi rapide tout en étant bien menée. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale qu’une horloge orna son clocher. Mais cela ne se fit pas sans mal. L’horloge fut installée en septembre 1948, mais en janvier 1949, considérant qu’elle le fut sans avoir consulté la municipalité, cette dernière refusa de participer au financement. Il faudra attendre une année et l’intervention de Rémy Roure, ancien résistant et journaliste originaire du village, pour que tout rentre dans l’ordre… Le mouvement mécanique qu’il fallait régulièrement remonter fut remplacé ensuite par un système électronique en 1992. Il est désormais visible sous le balcon de l’église. À deux pas de là, le château d’Arcens, autrement nommé château Laurens, est en réalité plus une grosse maison forte. Facilement identifiable avec sa belle tour ronde donnant directement sur la rue, ce bâtiment aurait été érigé au XIVe siècle. Il fut la propriété de la famille Laurens du XVIIe au XIXe siècle, d’où son nom. Autre curiosité : la croix médiévale sculptée du hameau d’Issas. Et plus loin encore, il ne faut pas hésiter à grimper à l’assaut du rocher de Soutro pour découvrir un site véritablement magique.

En rive gauche de l’Eysse, la route serpente doucement ménageant de belles vues sur le village installé sur l’autre rive. Et au détour de la route, la masse du rocher de Soutro s’impose enfin. Il faut bien regarder pour apercevoir la petite chapelle en pierres à son sommet qui se confond avec l’univers minéral environnant. La croix dressée en ce lieu nous donne toutefois un indice sur son emplacement. Cette chapelle, dédiée à saint Julien, fut mentionnée à la fin du XVIIIe siècle sur la carte Cassini ainsi que le village au pied du rocher qui portait alors le nom de Sauron. Rien à voir avec l’image du mal intégral racontée par JRR Tolkien dans « Le seigneur des anneaux », à moins que cet écrivain ne soit passé par ici avant d’écrire son roman. Arrivé sur le petit parking, on suit un chemin en terre et un sentier qui gravit la pente. On débouche alors au sommet et la chapelle impose sa présence comme un îlot d’humanité au milieu d’un océan de nature. Le 8 septembre 1878, le célèbre curé d’Arcens, Régis Noyer, a béni la cloche de la chapelle. D’ici la vue porte loin sur les montagnes ardéchoises, le Gerbier et beaucoup d’autres points culminants, ouvrant la porte à l’imaginaire. C’est presque à regret que l’on reprend la route pour revenir au bord de l’Eysse et au cœur d’Arcens. Mais de la place du village, il suffit de porter son regard vers les hauteurs pour voir le rocher, et seulement deviner la chapelle dominant la vallée…
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron