Alissas

Article paru en mai 2017
Mis en ligne en juin 2023

Petit village discret entre Privas et Chomérac, Alissas se love au bord d’un ruisseau tout contre la base d’une colline calcaire à deux pas des basaltes du Coiron. Un village attachant qu’il faut découvrir au rythme de la marche.
 

Une fois n’est pas coutume, nous allons débuter la découverte d’Alissas par une petite promenade. Nous allons prendre de la hauteur pour gagner le sommet du site de la Roche, coiffé d’une statue blanche de la vierge à l’enfant érigée au milieu du XXe siècle par les paroissiens en remerciement de la protection des habitants du village et de ses prisonniers de la deuxième guerre mondiale. Donc, nous montons à la gauche de l’église et un peu plus haut à droite, nous suivons l’ancienne voie ferrée jusqu’à l’entrée du célèbre viaduc en courbe. Tout de suite à gauche un sentier monte fort jusqu’à la statue. De ce point, la vue est magnifique sur le viaduc, le bassin de Privas, le village et plus loin les sommets alpins quand le temps n’est pas à la brume. Nous pouvons même admirer l’imposant sommet basaltique des Rancs Rouges. Seule ombre au tableau, le bruit incessant des voitures filant sur la grande route en contrebas.
 
Nous revenons au cœur du village par le même chemin, juste à côté de l’église. Cette dernière fut bâtie au XIXe siècle. Sa construction débutée en 1865 s’acheva trois années plus tard et elle fut bénie par l’évêque de Viviers en 1870. Sa nef, ses quatre travées et ses chapelles latérales lui donnent la forme d’une croix latine que l’on peut aisément observer depuis le belvédère précédemment visité. À l’intérieur, elle abrite un très beau maître autel du XVIIIe siècle qui fut ramené en ce lieu depuis le collège des Barnabites de Bourg-Saint-Andéol. Elle fut entièrement restaurée et éclairée en 2010. Son clocher accueille, comme les cathédrales et elle n’en est pas peu fière, des gargouilles sculptées dans la molasse, une pierre marneuse de Saint-Paul-Trois-Châteaux facile à travailler. Pourtant les belles pierres ne manquent pas dans le secteur.
 
Des carrières de la commune, sans doute depuis l’époque romaine, est extraite la pierre dite de Chomérac. Il s’agit d’un calcaire marbrier extrêmement résistant et donc difficile à tailler, d’où la raison de sa non utilisation sur le clocher de l’église du village, tandis qu’à la même époque elle servait à la construction des ponts et des viaducs de la ligne de chemin reliant Privas à Livron. Mais nous y reviendrons. On retrouve cette pierre dans les fontaines de Montélimar et de Valence, utilisation moins glorieuse dans l’enrochement des digues du Rhône et des lignes de train à grande vitesse en vallée du Rhône. Aujourd’hui encore la pierre est extraite de la terre d’Alissas.
 
En revanche, les maisons sont plutôt édifiées en pierres noires basaltiques, de même que les petits ponts enjambant le ruisseau, parfois à sec, au cœur du village. Village en pente avec des rues aux noms évocateurs : rue des fleurs, du gué, de la rampe, ou plus curieux rue d’Ohouzine, même des escaliers simplement à la place des rues comme l’escalier du fournil. Gageons qu’ici autrefois cela devait sentir bon le pain cuit fraîchement sorti du four. Il y a aussi la traverse du pont cassé ! Il faut vraiment se promener ici en ayant la curiosité de déchiffrer les plaques des rues. Fontaines et lavoirs rythment aussi la découverte du village…
 
C’est en 1281 qu’est attesté pour la première fois l’existence d’Alissas. Village paisible qui ne fut pas épargné par les guerres de religion ; ruiné à plusieurs reprises et son église saccagée au XVIe siècle. Une fois la paix revenue, tanneries et moulinages lui assurèrent une certaine prospérité… En revanche de l’époque plus ancienne de l’occupation romaine, il ne reste que peu de témoignages, peut-être le vieux pont sur le Merderic.
 
D’un tout autre calibre est le viaduc enjambant le ruisseau de Combier et se dressant juste à la sortie d’Alissas en direction de Privas. Plus grand ouvrage d’art de la ligne Privas-Le Pouzin-Livron, avec cent soixante-dix-huit mètres de longueur, douze arches en pierres locales taillées culminant à près de vingt mètres de hauteur, ce viaduc accueillait une ligne mise en service le 1er mars 1862. Une halte aménagée à Alissas permettait aux voyageurs munis seulement de bagages à main de descendre du train, ou d’y monter bien sûr. Cette liaison ferroviaire fonctionna jusqu’au 8 octobre 1950 pour les voyageurs et 31 mai 1994 pour les marchandises. Laissée à l’abandon, les communes concernées en firent une voie piétonne sur l’ensemble de son tracé. Ce viaduc ne connut qu’une période de dégradation, mais pour la bonne cause, quand le maquis au mois d’août 1944 fit sauter deux arches afin d’empêcher un train allemand remplis de munitions et de matériel de quitter la gare de Privas lors du repli de l’armée d’occupation… Vingt-huit jours plus tard les trains circulaient à nouveau. Depuis, certains habitants du village espèrent les voir revenir encore !

Texte et clichés : Bruno Auboiron