Aizac

Article paru en février 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Entre châtaigniers et sources minérales, entre vieilles pierres et volcan sagement endormis, Aizac se réveille sous le soleil matinal émergeant de la crête bonhomme de son volcan fétiche.
 

Hésitant entre la vallée de la Bezorgues à l’ouest et celle de la Volane à l’est, le village d’Aizac est situé exactement au col éponyme, à six cent quatre-vingt trois mètres d’altitude. Ici, à ce point de passage fréquenté, se développait une vie paysanne rythmée par les exigences des châtaigniers et des troupeaux. Au fil de la pente, le bourg a semé ses dix-sept hameaux, et même son ancien château féodal transformé en manoir et encore plus loin son église, magnifique au milieu des châtaigniers… Aizac ne se donne pas facilement, il faut aller à sa rencontre, se donner la peine de suivre ses petites routes et chemins pour découvrir une architecture traditionnelle où les maçons furent d’admirables joueurs de pierres.

L’histoire d’Aizac se confond avec celle de la famille portant le même nom et qui en son temps participa activement aux croisades contre les infidèles. Cela se passait au XIe siècle. C’est si loin déjà. Cette famille occupait fièrement le château féodal se dressant à mi-chemin entre le col et l’église. Aujourd’hui, il ne reste rien, ou si peu, du château d’origine qui fut détruit pendant les guerres de religion. À sa place fut rebâti un élégant manoir d’influence renaissance aux formes anguleuses et carrées. Entre les murs épais de pierres blondes, par les ouvertures sans fenêtre, le vent des vallées s’engouffre désormais, chassant les fantômes d’un autre temps. Quelques pas vers l’est et l’église se dresse contre la pente, semblant protéger son cimetière. Érigée à l’époque où les seigneurs d’Aizac se rendaient en terre sainte, cette église a subi de nombreuses transformations au fil des siècles. La tradition et l’histoire veulent qu’elle trouve son origine dans la volonté d’expansion des moines bénédictins de l’abbaye de Saint-Chaffre, du Monastier-sur-Gazeille, qui avaient déjà bâti un prieuré dont quelques vestiges sont toujours visibles au hameau de La Vaine, en contrebas de l’église actuelle. Son bénitier et son baptistère sont classés. Mais il faut la voir au soleil levant éclairant l’est au lointain, quand elle est encore toute illuminée des projecteurs de la nuit. On la croirait sortie de terre comme par magie… Juste au-dessus une table d’orientation donne à voir et à comprendre l’emplacement du volcan d’Aizac et livre une vue sur Antraigues-sur-Volane, la vallée de la Volane et le château de Craux.

Au chapitre du patrimoine bâti, de nombreuses maisons des hameaux méritent un temps d’observation pour admirer la maîtrise des tailleurs de pierre et parfois leur inventivité. Plus bas dans la vallée, on trouve aussi l’ancienne usine à soie qui ne cessa son activité qu’en 1987. Malgré tout, la beauté des pierres ne parvient pas à faire oublier l’omniprésence du châtaignier couvrant les pentes dominant le village et plongeant dans les vallées. Il est l’arbre roi d’Aizac, celui qui a permis à des générations de femmes et d’hommes de survivre sur ce territoire exigeant, celui qui aujourd’hui signe le caractère marqué du paysage entre Bezorgues et Volane. La castanéiculture est encore une des richesses du mone agricole local, en parallèle de quelques troupeaux de chèvres et de moutons.

Si le point culminant de la commune, le Rocher de Rouvon, à un peu plus de mille mètres d’altitude, offre un incomparable panorama se développant jusqu’aux Alpes, le sommet phare de la commune est sans conteste le volcan, nommé la Coupe d’Aizac. Couvert de végétation, ses pentes et son cratère partiellement égueulé aux formes douces dominent le paysage. Il est tellement présent qu’une fontaine en pierre au centre du village en marge du col est censée l’évoquer. Ceci-dit, la présence de ce volcan, pointant à huit cent huit mètres d’altitude, fait d’Aizac un haut lieu du volcanisme ardéchois, que les spécialistes comparent parfois, toutes proportions gardées, à l’Etna, majestueux volcan sicilien en activité. Et pour offrir sa connaissance au plus grand nombre, un sentier d’interprétation le parcourt jusqu’au cœur du cratère. Tout au long du chemin, on découvre différents types de rochers et de lave, dont certaines en bombes ou bouses de vache. La coulée basaltique de ce volcan rejoint la vallée de la Volane et descend jusqu’aux portes de Vals-les-Bains. Elle est parfaitement visible, en couches superposées à la cascade intermittente de L’Espissart, au pied du village d’Antraigues juste avant le Pont de l’Huile. Le volcanisme se joue des frontières communales.
Sans doute est-ce la présence du volcanisme qui fait la raison de l’abondance de sources sur la commune. La plus célèbre livre une eau minérale naturellement gazeuse : « La Source des Volcans », exploitée dans un bâtiment au bardage en bois, sous le village. Ainsi l’eau, la terre, la pierre et le bois contribuent à faire d’Aizac un village unique où il fait bon vivre au milieu d’une nature parfois généreuse, parfois violente, mais toujours accueillante. Et tant de chemins s’ouvrent pour en bénéficier le temps d’une journée ou plus…
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron