Le Palais des Evêques

Article paru en juillet 2024
Mis en ligne en juillet 2024

Unique en France

La renommée du Palais des Évêques au cœur de Bourg-Saint-Andéol n’est plus à faire. Neuf siècles d’histoire se sont développés sur ce site depuis le château primitif jusqu’à ce magnifique édifice fortement influencé par les caractéristiques architecturales du XVIe siècle. Le Palais des Évêques, baptisé ainsi par Nicole et Jacques Lextreyt ses propriétaires en référence au Palais des Papes d’Avignon, n’est pas un bâtiment religieux ; il est juste l’illustration du pouvoir politique de l’évêque du Vivarais. En effet, au-delà de ses fonctions ecclésiastiques, ce dernier était également baron de Largentière. Le plus célèbre d’entre eux fut sans aucun doute Louis-François de la Baume de Suze. S’installant au palais en 1626, il y resta presque soixante-dix ans, plus que le temps nécessaire pour le faire décorer à son goût.
 
Soixante-dix ans de règne
Dans les premiers temps du XIIe siècle, les seigneurs de Mondragon possédaient un ensemble défensif sur le rocher Saint-Michel. Un siècle plus tard, ce château devint la propriété de l’évêque de Viviers. Ce n’est que plus d’un siècle plus tard qu’un évêque en fit sa résidence dominant largement le Rhône. Une chapelle privée à la fin du XIVe siècle, une salle d’apparat dite salle des banquets et de vastes cuisines attenantes au milieu du XVe siècle : les travaux transformèrent doucement le château en palais épiscopal avec ses magnifiques façades. Ensuite, Monseigneur Louis-François de la Baume de Suze passa commande à des artistes peintres pour décorer sa chambre et celle où le cardinal Mazarin séjourna. Ces décors somptueux et uniques sont en cours de rafraîchissement.
 
En 1731, l’évêque de l’époque gagna Viviers et installa entre les murs de son ancienne résidence un petit séminaire. De profonds remaniements intérieurs métamorphosèrent le palais. L’ensemble, saisi comme bien national à la Révolution, retrouva en 1826 sa vocation précédente avant que le petit séminaire ne soit transféré à Aubenas. Les religieuses de la Présentation de Marie en firent alors l’acquisition en 1854 pour ouvrir l’école Saint-Michel qui fermera ses portes en 1998. Deux ans plus tard, les époux Lextreyt prirent les rênes de son indispensable restauration pour redonner son lustre d’antan à ce magnifique bâtiment.
 
Galerie en trompe l’œil
Déjà deux décennies de travaux et ce n’est pas fini. Dès qu’une pièce retrouve son air du XVIIe siècle, les propriétaires découvrent la richesse d’une autre, des peintures camouflées sous d’anciens enduits par exemple. C’est ainsi qu’ils prirent conscience de l’existence de ce qui était une galerie aux décors incroyables. Elle se cachait tout à côté de la salle des banquets accueillant toujours des réceptions façon XVe siècle. « Pour l’organisation des banquets mon épouse avait besoin d’une pièce de travail supplémentaire, explique Jacques, propriétaire du Palais des Évêques. Quand j’ai commencé à gratter le plafond de cette pièce pour nettoyer l’enduit avant de le blanchir, ma surprise fut totale à l’apparition d’une peinture bleue. Je lui ai dit qu’il allait falloir trouver une autre pièce pour son office. C’était en 2013 et c’est ainsi que tout a démarré. »
Avec la restauration et l’ouverture récente à la visite de la galerie représentant en trompe l’oeil le temple de Salomon, le Palais des Évêques possède désormais une richesse unique en France, un atout supplémentaire pour cet édifice qui n’en manquait pourtant pas. D’ailleurs l’ensemble du bâtiment est classé aux Monuments Historiques depuis 1946 et le plafond de la chambre de l’évêque dans les années soixante-dix. « Quand nous sommes arrivés ici il y a vingt-trois ans, nous connaissions deux plafonds peints du XVIIe siècle, aujourd’hui nous en sommes à sept pièces peintes, se réjouit Jacques. Et il reste sans aucun doute beaucoup à découvrir. »
 

Nicole et Jacques Lextreyt
16 rue Poterne à Bourg-Saint-Andéol
04 75 54 41 76
www.palais-des-eveques.fr
 
Ouvert en été tous les jours, sauf lundi et mardi, de 10h à 12h et de 16h à 20h.
Les visites sont uniquement guidées et durent au minimum une heure… Pendant tout l’été un programme d’animations culturelles est proposé.

à côté

 
La plus petite cathédrale de France
Après le Palais des Évêques, il convient de visiter leur cathédrale à Viviers. Son histoire ne fut pas de tout repos. Remaniée à maintes reprises au cours des siècles, elle fut le théâtre de saccages lors des guerres de religion en 1562 et une seconde fois cinq années plus tard. La période troublée de la Révolution ne lui a pas causé de dégâts supplémentaires, alors que pendant la réunion du diocèse de Viviers à celui de Mende entre 1801 et 1823, elle fut laissée à l’abandon. De nombreuses restaurations plus tard, elle a plus ou moins retrouvé son aspect de la fin du Moyen Âge. Elle est classée au titre des Monuments Historiques depuis 1906.
 
Dédié au dieu Mithra
Dans le vallon de Tourne, à la sortie sud de Bourg-Saint-Andéol, un étonnant bas-relief est dédié au dieu Mithra. Il est sculpté directement dans le rocher de la falaise et c’est, semble-t-il, le seul vestige d’un ancien temple romain. En effet, ce dieu d’origine indo-iranienne était vénéré dans le monde romain entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère. Son adoration se fit un temps en parallèle de celle du dieu des catholiques, mais elle fut interdite en l’an 391. Depuis, Mithra veille sur le vallon… Une borne explicative livre plus de détails sur place sur ce bas-relief classé Monument Historique en 1927.
7 galerie, décors XVIIe, crédit Daniel Michelon 131
7 galerie, décors XVIIe, crédit Daniel Michelon 131
La plus belle pièce
 
Vers 1650, l’évêque Louis-François de la Beaume de Suze inaugura une galerie peinte représentant le Temple de Salomon. Il y exerçait son droit de justice et organisait des séances des États du Vivarais qu’il présidait en sa qualité de baron de Largentière. Cet homme très cultivé faisait également parti du conseil de Louis XIV. Huit ans de travaux de dégagement, de consolidation, d’analyse de cette peinture du XVIIe siècle qui, outre son thème étonnant, est une véritable encyclopédie de l’art pictural de son époque, celle de la Contre-Réforme abandonnant progressivement le style marial au profit du style christique avec l’apport d’éléments profanes dans les décors de la peinture religieuse comme les fleurs et le travail différent de la lumière. Cette galerie s’inscrit dans le temps entre celles du château de Fontainebleau et de Versailles. « Tout a été restauré à l’identique grâce aux conseils éclairés de Christian Frement, un ami artiste peintre ayant participé à de nombreuses restaurations de peintures, assure Jacques. Nous avons travaillé à trois pendant cinq ans. Nous ne savons pas qui est l’auteur de ces décors et nous effectuons des recherches en ce domaine. »
L’œuvre de René Margotton
 
Qu’elle soit religieuse ou profane, l’œuvre picturale de l’artiste René Margotton s’expose dans la chapelle restaurée en 2006, et désormais dans une nouvelle pièce : la salle des Mystères. Dans cette chapelle on peut aussi admirer les vitraux figuratifs très expressifs, créations contemporaines selon des maquettes du peintre. C’est à l’issue de la Seconde Guerre mondiale que l’artiste entre à l’École nationale supérieure des beaux-arts et dans l’atelier de Fernand Léger en 1948. Après des années de pratique dans l’univers des cubistes, et de nombreuses expositions, il fut reconnu comme le « peintre de la lumière », en descendance directe des grands maîtres de la Renaissance italienne. René Margotton, né en 1915, est décédé en 2009.
palais des évêques nicole et jacques 003
palais des évêques nicole et jacques 003
Trois questions à Jacques Lextreyt
 
Pourquoi devenir propriétaire d’un tel lieu ?
Ce fut juste un coup de cœur, un coup de folie comme le dirent certains. Nous habitions en face et nous venions d’achever la restauration de notre hôtel particulier du XVIIIe siècle. Nous sommes passés d’une résidence tout confort à une vie rude dans un lieu spartiate pendant les premières années de la restauration.

C’est la richesse du bâtiment qui vous a séduit ?
Oh oui, j’ai pris tout de suite conscience de son énorme potentiel. Cela fait 25 ans que nous y vivons et les deux premières années, le temps que se réalise le compromis de vente, nous n’avons rien entrepris, nous avons juste pris la mesure du lieu pour imaginer les travaux et leur chronologie. Depuis 8 ans nous faisons une découverte majeure par mois et il y a encore tant à trouver. Cela a dépassé toutes mes espérances.

Quand avez-vous eu l’idée de l’ouvrir à la visite ?
Dès le début. Pendant les deux années du compromis de vente, nous avons réuni une vingtaine d’amis autour de nous pour créer une association afin de mener à bien les actions culturelles telles que concerts, expositions, banquets… La première visite se déroula à l’été 2001. Nous ne pouvions pas garder pour nous un tel lieu. Nous voulions juste le sauver et le mettre en valeur.
Texte : Bruno Auboiron
Clichés : Bruno Auboiron, Association Palais des Evêques & Daniel Michelon