Le Muséum de l'Ardèche

Article paru en juillet 2024
Mis en ligne en juillet 2024

La médiation scientifique pour tous

Dans les strates du sous-sol, au cœur des couches sédimentaires, l’histoire du monde est emprisonnée dans la pierre. Des végétaux et animaux d’autrefois, il y a si longtemps, ont laissé quelques traces de leur identité perdue. Fougères, ammonites, poulpes, libellules… tant et tant de témoignages retrouvent la lumière du jour grâce à des passionnés audacieux et inspirés tel Bernard Riou dont la collection de fossiles est présentée ici. Quatre cinquièmes des fossiles sont tirés du sol ardéchois, les autres viennent du monde entier pour compléter la lecture de l’exposition permanente, des premières traces de vie bactérienne à l’apparition des premiers hominidés. Comment résumer quatre milliards d’années en une visite ?
 
La biodiversité du passé
Tous les fossiles ardéchois sont issus de la collection de Bernard Riou. Sa fille, Emmanuelle Bennourine-Riou, précise : « La richesse des fossiles est importante chez nous. Mon papa a découvert la plus ancienne pieuvre connue au monde, la plus ancienne châtaigne d’Ardèche. Ce sont des spécimens d’exception toujours présents au musée qui chaque année se renouvelle avec l’apport de pièces nouvelles venant de la réserve ou de découvertes récentes. »
Un muséum est un musée d’histoire naturelle, sous tous ses aspects. À Balazuc, c’est surtout la paléontologie qui est mise en avant, cette dernière étant considérée comme la description de la biodiversité du passé. C’est un lieu où sont présentées la découverte et la compréhension des sciences de la Terre et de la vie. Mais la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier et ne sera peut-être pas celle de demain. C’est ce que la médiation scientifique nous enseigne au sein du Muséum de l’Ardèche.
Au cours de l’été, des activités sont proposées chaque jour autour de la paléontologie, la nature, la géologie et même l’astronomie. Tout est lié, et la médiation scientifique menée au Muséum le prouve. « Nous voulons sensibiliser aux sciences grâce à une scénographie épurée permettant à chacun de se forger son propre imaginaire face aux beautés de la nature, poursuit Emmanuelle. »
 
Place aux dinosaures
Depuis l’ouverture du site en 2016, des agrandissements ont été réalisés, telle la galerie aux dinosaures présentant les empreintes d’espèces de pré-dinosauriens dans les roches du Trias à Ucel, Les Vans ou encore Sanilhac, datées de deux cent-vingt millions d’années. Ensuite dans la galerie, au Crétacé et au Jurassique, des casques de réalité virtuelle offrent aux visiteuses et visiteurs la possibilité de nager avec les plésiosaures et autres charmants compagnons de l’époque… Oui, la mer recouvrait l’Ardèche en ces temps lointains.
Mais pour en arriver là, le travail fut long et minutieux. Après la découverte d’un fossile il convient de le préparer à l’atelier, c’est-à-dire le dégager de la roche qui l’enferme, le révéler. Puis vient le temps de l’étude et parfois de la publication. Parmi la collection du Muséum de nombreux fossiles ont été étudiés, d’autres sont en cours et d’autres encore attendent leur tour. « En 2015, un spécialiste autrichien des poissons cartilagineux de l’université de Vienne a identifié une raie et en a conclu qu’elle était la plus vieille connue à ce jour, explique Emmanuelle. Dernièrement un étudiant est venu travailler sur ce sujet en vue d’une publication, mais c’est long. » Ainsi vit l’atelier des paléontologues au Muséum de l’Ardèche.
 
 

344 chemin de Cournazou à Balazuc
04 28 40 00 35
www.museum-ardeche.fr
 
Pendant l’été les visites guidées débutent toutes les trente minutes entre 10h et 19h.
Deux équipes de quatre médiateurs scientifiques assurent les visites et les nombreuses activités proposées tout au long de la journée, dont les soirées « découverte du ciel » plusieurs soirs par semaine si les conditions météorologiques le permettent.

à côté

 
L’art à l’église

Depuis 1982, chaque été, la vieille église romane Sainte-Marie-Madeleine de Balazuc accueille une ou plusieurs expositions à la suite. Elles sont l’occasion unique de rencontrer des artistes présents et de découvrir les richesses des expressions artistiques locales ou plus lointaines.
www.larochehaute.com

L’art au château
Les grandes salles du château de Vogüé, dominant le village et la rive gauche de l’Ardèche, se sont métamorphosées en lieu d’exposition dédiée à l’art contemporain : peinture, dessin, sculpture, gravure, photographie, collage, installation… Ni galerie, ni musée, ce château est ouvert à tous, amateurs d’art ou amateurs de vieilles pierres, pour un heureux mélange entre patrimoine et culture.  
www.chateaudevogue.net
museum balazuc plus belle pièce 001
museum balazuc plus belle pièce 001
La plus belle pièce
 
Découverte en 1982, sur le site de la Boissine à La Voulte-sur-Rhône, par Bernard Riou, cette pieuvre, de taille modeste, est à ce jour l’ancêtre reconnu de tous les céphalopodes. Datant du Jurassique, elle affiche fièrement ses cent cinquante-cinq millions d’années, bien protégée dans sa gangue de pierre. Combien d’autres richesses de ce type recèlent les couches sédimentaires de l’Ardèche ?
La passion de Bernard Riou
 
Le parcours de Bernard Riou est atypique dans le monde de la science. Né dans une famille d’agriculteurs, ses parents l’imaginaient reprendre la ferme et partir à la chasse le dimanche. Il est bien parti à la chasse, mais aux fossiles. Autodidacte, c’est son expérience du terrain qui en a fait le paléontologue d’aujourd’hui. Il a rassemblé une collection de plus de 10000 fossiles dont 3500 d’intérêt majeur pour la science. Ses découvertes ont fait l’objet de nombreuses publications dans des revues scientifiques du monde entier. Il a fouillé principalement deux sites ardéchois présentant d’exceptionnels atouts de conservation, même s’il rêve désormais d’explorer les roches du Maroc. Le premier fouillé, la Boissine, date du Jurassique et se développe sur Rompon et La Voulte-sur-Rhône. Il renferme des fossiles inhabituels comme des crevettes, des calamars vampires, des étoiles de mer, des ophures cousines des étoiles de mer, des langoustes, des petits requins et bien sûr la célèbre pieuvre. Un milieu qui correspond à un environnement marin profond, entre moins deux cent et moins sept cent mètres, sans lumière. Le paléontologue explique la présence de si nombreux fossiles grâce sans doute à une faille géologique au fond de laquelle les animaux se sont déposés, peut-être empoisonnés par des sources hydrothermales. La seconde est la carrière de diatomite de la montagne d’Andance à Saint-Bauzile où se trouvent des fossiles momifiés datant de 8 millions d’années. Là, il a mis à jour une jument qui lui a demandé plus de 1000 heures de préparation et une belle surprise quand il découvrit son fœtus.
museum balazuc emmanuelle et medhi 002
museum balazuc emmanuelle et medhi 002
Trois questions à Emmanuelle Bennourine-Riou
 
Pourquoi ce Muséum à Balazuc ?
C’est un projet de vie. Nous l’avons fondé avec mon papa et mon mari Medhi car après nos études scientifiques, nous voulions vivre ici. Le métier de mon papa est paléontologue, il cherche et étudie les fossiles qu’il découvre, le nôtre avec Medhi est de les mettre en valeur pour en partager la richesse auprès du grand public.

Que racontent les fossiles exposés ?
La vie de la Terre en Ardèche sur plusieurs milliers d’années. Les fossiles de végétaux et d’animaux exposés ne sont qu’une partie de la collection rassemblée par mon papa. Ils nous renseignent sur le climat et l’environnement des époques passées.

Et l’avenir ?
Si la grande majorité des fossiles fut mise à jour entre les années soixante-dix et quatre-vingt-dix, dernièrement mon papa a trouvé des dents de rhinocéros qu’il étudie actuellement. Les nouvelles découvertes sont l’avenir du Muséum, mais aussi la grande variété des activités proposées dans le cadre de la médiation scientifique et bien sûr quelques aménagements nouveaux. 
Texte et clichés : Bruno Auboiron