Le Musée du Vivarais Protestant

Article paru en juillet 2024
Mis en ligne en juillet 2024

A l’époque où la tolérance n’avait plus cours  !
 

Sur la route des Dragonnades, à l’entrée du hameau du Bouchet de Pranles, se dresse la maison de la famille Durand. Celle qui a vu naître Marie et Pierre, martyrs protestants de la répression catholique, est devenue le Musée du Vivarais Protestant ; un lieu de découverte et de mémoire.
La sombre période des guerres de religion a mis en évidence le manque de tolérance de la société des siècles passés en termes de pratique religieuse. Mais en est-il autrement aujourd’hui ? Là n’est pas le propos de ce lieu de transmission de l’histoire du protestantisme.


Depuis 1931
À son retour de détention et avant de décéder, Marie Durand vendit sa maison en 1775. Plusieurs propriétaires vont se succéder et petit à petit la mémoire de cette famille se perdit, jusqu’au jour où un pasteur en visite dans la région s’intéressa à cette histoire d’un autre temps. Alors le dernier propriétaire céda cette maison à la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, une société nationale propriétaire de la plupart des musées sur ce thème. La ferme familiale devint musée, lieu de mémoire de Pierre et Marie Durand. C’était en 1931 et la première assemblée se déroula en 1932 pour son inauguration.

À partir des années soixante-dix, elle connut un agrandissement de son espace muséographique au sein des anciens bâtiments agricoles et au début des années deux mille dix, ses collections furent enrichies et modernisées dans leur présentation. « Aujourd’hui la visite propose d’aller plus loin que l’histoire de la famille Durand, aussi emblématique soit-elle, explique Jean-Paul Sarrazin, secrétaire de l’association qui gère le musée, et aussi guide entretenant le site. Il ne faut pas oublier que Pierre Durand, en compagnie d’Antoine Court de Villeneuve-de-Berg, fut l’un des réorganisateurs du protestantisme en Vivarais après la révocation de l’édit de Nantes. C’est donc l’histoire du protestantisme en général dont il est question entre nos murs et de la vie locale pendant cette période. »

La visite débute par un film d’une quinzaine de minutes sur l’histoire de la famille Durand. Pour ce faire, on prend place sur les chaises d’un temple aménagé dans l’ancienne bergerie. Suivent le préau pour la découverte d’une maquette de la maison et trois salles, qui formaient la fenière, sur l’histoire du protestantisme en général et sur le Vivarais au moment de l’édit de Nantes et après la révocation de ce même édit. « Dans les Boutières, la résistance des protestants était plutôt pacifique à l’inverse des huguenots gardois, beaucoup plus virulents, poursuit Jean-Paul. Cela s’explique car ici les gens ne remettaient pas en cause la légitimité royale, ils voulaient juste avoir la possibilité de lire la Bible chez eux et pratiquer et vivre tranquillement leur foi. »


La vie locale
Au niveau inférieur, trois petites salles abordent la vie plus locale. On pénètre dans l’admirable cuisine intacte de cette maison du XVe siècle. Sur la clef du manteau de la cheminée, Étienne Durand, le père, a gravé « Loué soi Dieu, 1696, E D ». On découvre une cache pour les prédicateurs en visite et une autre pour la Bible interdite. S’ouvrant dans la cheminée, une porte mène à une pièce voûtée. « Nous la présentons comme une chambre, mais je crois qu’il s’agissait plus exactement d’une petite magnanerie pour l’élevage du ver à soie si j’en crois son aménagement et sa disposition derrière la cheminée avec une trappe pour la chaleur. »

Enfin, ce qui devait être une chambre est désormais présenté comme le bureau d’Étienne Durand. Ce dernier était greffier consulaire, une place importante. Sont réunis là des documents, des lettres, des bibles, des tableaux… « Nous recevons tout type de visiteurs, des plus érudits aux plus néophytes, alors je réponds à toutes les questions sur la religion, les différences entre le protestantisme et le catholicisme, indique Jean-Paul. Mais le but ici, et ce que nous voulons transmettre, c’est la résistance des protestants et en particulier la famille Durand. Il s’agit d’une transmission historique. »
 

Le Bouschet de Pranles
04 75 64 22 74
www.museevivaraisprotestant.org

Le musée est ouvert en été tous les jours de 10h à 18h, sauf le dimanche de 14h à 18h.
Les visites sont libres ou guidées à la demande des visiteurs.
Chaque pièce est sonorisée avec une bande audio fort intéressante.

à côté


Le moulin de Mandy
Pour devenir un lieu de mémoire et de transmission du savoir-faire de la meunerie traditionnelle, les membres de l’association du Meunier de Mandy ne ménagent pas leurs efforts. Chaque année, le moulin et son environnement sont un peu plus restaurés, et ce depuis 1994. Un programme d’animations fait vivre le site et la visite du moulin est passionnante.
www.moulindemandy.fr

La vallée de l’Eyrieux à vélo
Se développant principalement en rive gauche de l’Eyrieux, la Dolce Via suit l’itinéraire de l’ancienne voie ferrée pour 1 à 2 jours à vélo. 90 kilomètres de La Voulte-sur-Rhône au Cheylard et bien au-delà pour une découverte unique d’une rivière sauvage et de paysages magnifiques.
www.dolce-via.com
musée du vivarais protestant les prisonnières 001
musée du vivarais protestant les prisonnières 001
La plus belle pièce

En bonne place sur le mur de la petite pièce nommée le bureau d’Étienne Durand, le tableau de François Rieu, artiste peintre vivant à Coux, « Les prisonnières » dans la série « Marie Durand, Résister » illumine l’espace par la force de sa représentation du calvaire de la jeune femme dans la Tour de Constance. Il fait face à celui de Jeanne Lombard, peint en 1907 et nommé « Prisonnières huguenotes à la Tour de Constance ». Grâce à une donation, le Musée du Vivarais Protestant a pu acquérir l’œuvre de François Rieu, tandis que celui de Jeanne Lombard est une reproduction ; l’original étant au Musée du Désert à Mialet.
Mère, père, fille et fils : tous sacrifiés !

Étienne Durand fut emprisonné en 1728 au fort de Brescou, au large d’Agde. Il n’en sortira qu’en 1743. Son épouse, Claudine Gamonet disparut peu après la tenue d’une assemblée en sa maison en 1719, organisée par son fils Pierre Durand, pasteur. On n’eut plus jamais aucune nouvelle d’elle. Pierre est né en 1700 et devint très vite un jeune prédicateur consacré pasteur en 1726. Il fut arrêté dans les Boutières et pendu à Montpellier en 1732. Enfin, Marie Durand, sa sœur, fut emprisonnée à la Tour de Constance à Aigues-Mortes en 1730. Rien ne pouvait lui être reproché, si ce n’est d’être la sœur de Pierre. Elle resta 38 ans prisonnière et décéda 8 ans après son retour dans la maison familiale.
 
musée du vivarais protestant 007
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musée du vivarais protestant jean-paul sarrazin 004
musée du vivarais protestant jean-paul sarrazin 004
Trois questions à Jean-Paul Sarrazin

Comment devient-on responsable du Musée du Vivarais Protestant ?

Je suis moi-même protestant privadois. J’ai grandi avec les assemblées qui se déroulaient tous les ans, le lundi de Pentecôte, en vivant le culte sous les châtaigniers autour de la maison. C’était un peu le souvenir des assemblées du Désert. Aujourd’hui cette assemblée est organisée le dernier dimanche de juin. C’est ma vie.

Que représente ce lieu pour vous ?
La maison de Pierre et Marie Durand fait partie de moi, de notre patrimoine commun à tous. Et pour les habitants d’ici, au-delà de l’opposition entre protestantisme et catholicisme, cette maison est aussi un peu la leur, au moins celle de leur histoire.

Que faites-vous ici ?
J’entretiens un peu, je guide à l’occasion. Je transmets ce que j’ai reçu de l’histoire locale façonnée par cette période…
Texte et clichés : Bruno Auboiron