Le Mas Daudet

Article paru en juillet 2024
Mis en ligne en juillet 2024

Trois richesses en une

Aujourd’hui comme hier, le lien tissé par le Mas Daudet entre la vie agricole, le ver à soie et l’œuvre et la vie de l’écrivain Alphonse Daudet est légitime car si la famille Reynaud (du côté de sa mère) et la famille Daudet (originaire de Concoules dans les Cévennes) se sont rencontrées à Nîmes, c’est qu’elles étaient grandement impliquées dans la production des vers à soie et le commerce du fil de soie. Un fil rouge pour la visite de la maison de la famille maternelle de l’écrivain.
 
La volonté d’un homme
Trois collections permanentes animent l’ensemble des pièces de cet ancien mas méridional unique qui a conservé toute son authenticité. L’évocation de la vie rurale se découvre à travers une collection d’outils et d’ustensiles mis en situation dans la cour, le courradou et les caves. Les vers à soie occupent l’espace de la grange qui était alors modulable pour devenir un temps magnanerie. Enfin, la maison d’habitation abrite la collection rassemblant de nombreux documents, manuscrits, affiches, journaux, photographies, effets personnels et témoignages divers montrant le vrai visage d’Alphonse Daudet ; trop de personnes le connaissent uniquement comme l’auteur de La Chèvre de Monsieur Seguin.
Sans la volonté d’un homme, ce mas ne serait jamais devenu musée, l’un des atouts majeurs de Saint-Alban-Auriolles. Roger Ferlet, puisqu’il s’agit de cet homme, est né à Lyon et a vécu à Paris, mais sa mère est originaire de Montpezat-sous-Bauzon. Ingénieur, homme de lettres et écrivain, il est le créateur du magazine La Vie du Rail. Il connaissait la famille Daudet, enfin les descendants de l’écrivain.  En 1937, sans que l’on sache ses motivations profondes, il acheta le mas au dernier représentant de la famille Reynaud. Pendant près de deux décennies, il a rassemblé une multitude de documents et d’objets et en 1954, il métamorphosait son mas en musée. Sans doute voulait-il rendre hommage à Alphonse Daudet qu’il admirait, et à la vie locale.
 
Visite guidée !
Roger Ferlet s’est éteint en 1984 et cinq ans plus tard, au décès de son épouse, le Mas de la Vignasse, qui deviendra plus tard le Mas Daudet, devient propriété de la commune. Au moment du rachat, les collections furent conjointement acquises par la commune et le département, ainsi aujourd’hui de nombreux documents se trouvent aux Archives Départementales. Il en reste de forts intéressants sur les murs et dans les vitrines du musée.
Le Mas Daudet est désormais pleinement ancré dans le paysage local, et la population est très attachée à la présence de ce lieu qui a bénéficié d’importants travaux de réhabilitation. Certes, la muséographie mériterait une petite cure de jouvence et un accompagnement vers plus d’interaction pour des visites libres puisque la tendance actuelle du lieu n’est pas au développement des visites guidées. Pourtant, celles-ci sont juste passionnantes et l’occasion de beaux échanges. Découvrir le Mas Daudet grâce au talent et la passion de ces deux animateurs est plus que conseillé !
 

710 chemin de la Vignasse
à Saint-Alban-Auriolles
04 75 39 65 07 - 06 77 45 98 28
www.masdaudet.com
 
Le musée est ouvert du lundi au vendredi de 10h30 à 18h30 et le dimanche de 14h à 18h30. Deux visites guidées sont proposées, à 11h et à 16h sauf le dimanche.
Un beau complément à la visite sont le sentier dans le parc qui présente la vie rurale en quelques panneaux et un second gagnant le village de Labeaume.

à côté

 
Le vieux Ruoms
Entre les anciens murs d’enceinte ponctués de leurs tours rondes, le centre historique de Ruoms recèle de nombreux trésors architecturaux. Déambulant au fil des ruelles et places, on découvre la maison du notaire, la maison du baron, la maison des gardes et sa fresque du XVe siècle représentant saint Christophe traversant l’eau en portant l’enfant Jésus sur ses épaules, la maison de la justice avec son linteau où sont gravées une balance, une clef et une croix. On découvre aussi l’église Saint-Pierre et l’étonnante petite chapelle des Pommiers.

La magnanerie à Lagorce
Pour en savoir plus sur l’univers du ver à soie et de son élevage, la magnanerie de Lagorce, musée animé par des guides-éleveurs, propose de découvrir le cycle de la chenille jusqu’au papillon, le bombyx du mûrier, et sa reproduction. Entre les murs de la magnanerie, les visiteuses et visiteurs passent de la théorie à la pratique en récoltant les cocons et en tirant le fil de soie, difficile apprentissage mais unique à vivre.
lagorceardeche.com/musee-magnanerie/
le mas daudet la plus belle pièce 001
le mas daudet la plus belle pièce 001
La plus belle pièce
 
Il est bien difficile d’isoler un objet plutôt qu’un autre pour le qualifier de pièce maîtresse de l’exposition permanente du Mas Daudet. Non, le plus beau et le plus émouvant ici est sans doute l’habitation de la famille Reynaud-Daudet. Si la cuisine a conservé toutes les caractéristiques de la tradition paysanne, toutes les autres pièces ont adopté une étonnante décoration bourgeoise en ce lieu. L’aisance financière des propriétaires de l’époque, grâce à l’élevage et au commerce de la soie, leur ont permis de restaurer l’habitation du mas en maison cossue bien que de dimension modeste. Des sols aux plafonds sont inscrits en résumé les codes de l’architecture intérieure de cette époque. Ainsi le contraste est saisissant entre la cuisine, par laquelle on entre dans la maison, et le reste de l’habitation.
Alphonse Daudet
 
L’écrivain est bien sûr l’un des attraits principaux du Mas Daudet, qui autrefois se nommait le Mas de la Vignasse. Dans cette maison Reynaud (des parents de sa mère), Alphonse Daudet n’a jamais vécu en dehors de ses périodes d’enfance. Il n’est pas non plus l’écrivain provençal comme l’affiche l’imaginaire collectif car il a vécu principalement à Paris. Il est né en 1840 à Nîmes où vivaient ses parents et est décédé en 1897 à Paris de la syphilis ; il était d’une très grande liberté de mœurs ! Écrivain qui a marqué son époque, romancier reconnu produisant des textes d’une grande profondeur, il s’est essayé à l’écriture de pièces théâtre. Son succès fut là très mitigé pour ne pas noter « désastreux ». Conscient de cette faiblesse, il avait avec Flaubert, Zola et Goncourt fondé le club des artistes sifflés ! Cette capacité d’auto-dérision le rend encore plus sympathique, et découvrir sa vie, son œuvre, au-delà de la Chèvre de Monsieur Seguin, est riche d’enseignements grâce à la collection du Mas Daudet.
le mas daudet 029
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le mas daudet gauthier maillard renaud marc 001
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Trois questions à Renaud Marc et Gauthier Maillard - animateurs
 
Qu’est-ce qui vous séduit ici ?
Gauthier Maillard : Je suis arrivé en 2008 avec mon BTS tourisme en tant qu’emploi jeune sur la commune. J’ai découvert l’univers de Daudet et de la vie rurale locale dont l’élevage du ver à soie, et l’ensemble me passionne. Je m’intéresse beaucoup à l’Histoire, et l’interaction avec les visiteurs pendant la visite est vraiment agréable à vivre.

Qu’est-ce qui rend ce lieu si particulier ?
Renaud Marc :
Peut-être le fait que ce musée soit né de la volonté d’une personne qui y a consacré une partie de sa vie, et aussi qu’il donne à comprendre la réalité d’un écrivain trop méconnu. Et puis il y a le mariage réussi entre trois thèmes : la vie rurale, la magnanerie et la vie et l’œuvre d’Alphonse Daudet.

Vous vous plaisez ici ?
Renaud Marc :
J’y suis depuis 20 ans. Le site est magique, il n’y a pas de mots pour le décrire, il faut le visiter pour comprendre. Et du côté de ma mère par des liens de cousins éloignés, je suis rattaché à la famille Daudet et ça me touche. Tous les deux ou trois ans, le moulin de Fontvieille était un pèlerinage familial.
Texte et clichés : Bruno Auboiron