III) DE VOGÜÉ À BALAZUC
Entre les falaises
Ici l’Ardèche est bien installée dans son environnement calcaire. La montagne n’est déjà plus qu’un lointain souvenir pour elle. La blancheur des falaises se reflète dans ses eaux à présent plus calmes. Le château de Vogüé et le village de Lanas laissent dériver leur image au fil du courant. Sur chaque rive du cours d’eau, la terre se fait docile à travers les Gras de Lanas et plus rétive entre la cascade et le village perché de Rochecolombe. Elle se fait mémoire étonnante du vivant dans les fossiles du Museum de Balazuc. Ici le beau n’est pas que dans la nature, il s’expose aussi d’un œil artistique entre les murs frais de la chapelle de Balazuc.
Une petite randonnée : Les Gras dominant Lanas
Tout commence au cimetière où la tombe de Papillon, de son vrai nom Henri Charrière, bagnard célèbre, est souvent visitée. Cet homme fut condamné en 1931 aux travaux forcés à perpétuité pour un meurtre qu’il a toujours nié. Il finit par s’évader du bagne de Cayenne. Il raconta sa vie dans un livre intitulé « Papillon ». Un sentier entre les vignes et les oliviers mène au pied de la montée sous les chênes blancs entre des murets de pierre. Ces murets, autrefois, servaient à délimiter les parcelles de culture sur cette terre quelque peu ingrate et trop caillouteuse. Constitués de pierres arrachées à la terre pour la rendre cultivable et laisser plus de place à l’herbe, ils sont la part silencieuse de notre patrimoine rural à l’abandon. De temps en temps, des ruines sous les arbres témoignent d’une vie oubliée. Comment les personnes arrivaient-elles à vivre dans ce milieu ? Où trouvaient-elles de l’eau ?
La pente se calme et sur le plat, qui n’en est pas vraiment un, la forêt de genévriers et de cades remplace celle de chênes blancs. Un environnement peu commun mais très agréable à traverser. Au bout du chemin en direction de l’ouest, en arrivant à la route, on découvre un immense champ de panneaux solaires. La magie du chemin s’efface d’un coup. Certes, cet aménagement n’est pas esthétique, mais comment ne pas justifier son implantation. Il semble bien difficile de se passer du nucléaire et les éoliennes ne font pas consensus, mais comme nous ne voulons pas changer nos habitudes de consommation d’énergie, il faut bien accepter ces champs de panneaux solaires… Derrière ce champ, les montagnes cévenoles dessinent leurs longues crêtes sur l’horizon.
Un petit tour sur le plat autour de Barsac et un cheminement sinueux reconduit sur le bord du plateau. Une petite descente, parfois délicate, et voilà déjà les premières maisons du village de Lanas, après les vignes.
Départ : Lanas (parking du cimetière)
Longueur : 6,5 km
Temps : 2h30
Difficulté : facile
Balisage : jaune et blanc au départ, puis bien suivre la description du topoguide et les points GPS pour ne pas s’égarer sur le plateau des Gras.
Topo-guide : www.visorando.com/randonnee-boucle-au-dessus-de-lanas/
Avertissement : l’état de surface des sentiers et chemins sont parfois un peu chaotiques, alors il faut être bien chaussé.
Un lieu incontournable : Rochecolombe
Depuis le pied de l’ancien village de Rochecolombe, à proximité du théâtre de verdure, deux petits itinéraires permettent d’en découvrir les merveilles architecturales pour le premier et celles, naturelles, de la cascade au fond de son cirque rocheux pour le second.
Tout d’abord, intéressons-nous au village. Le château et son bourg castral se sont établis et développés sur un éperon rocheux dans un coude du modeste ruisseau de Vendoule. Le premier château du XIIe siècle, au sommet de l’éperon, n’était qu’une tour carrée dont il ne reste que les fondations. Un siècle plus tard, quand la famille de Vogüé vint résider ici, ils firent bâtir un plus vaste donjon accompagné d’un logis seigneurial. Une deuxième enceinte et des tours rondes furent érigées, sans doute pendant la guerre de Cent Ans. C’est au pied de ce château, dans la pente, que le village ancien s’est accroché. Il fut habité à temps plein jusqu’en 1850, mais à partir de cette date ses habitants jugèrent le site trop contraignant et gagnèrent la plaine où une nouvelle église était déjà construite. Ce fut la mort annoncée du village dans la pente. Son dernier habitant décéda en 1962. Fort heureusement quelques passionnés de vieilles pierres réinvestirent le village et s’y installèrent à nouveau. Une nouvelle vie s’y épanouit. Quant à la chapelle Saint-Barthélemy, datant elle-aussi du XIIIe siècle et abritant la sépulture de générations de Vogüé, certains avancent le chiffre treize, elle est désormais restaurée. Aujourd’hui, la déambulation au fil des ruelles procure un réel plaisir, mais la montée est rude. Et cerise sur le gâteau, depuis l’esplanade de l’ancien château, la vue est imprenable sur l’environnement varié du village.
Il ne saurait être question, une fois descendu de ce bourg perché, de ne pas pousser jusqu’au pied de la cascade. Là, aucune difficulté, le sentier est plat et agréable. En prime il offre une magnifique perspective sur le village. Avant le site de la cascade, c’est l’ancien moulin et sa meule taillée dans la roche basaltique que l’on croise. Puis, le sentier tourne un peu et on peut admirer la cascade. Enfin, pas tous les jours. Pour la voir franchir d’un bond le haut seuil calcaire, il faut venir après les fortes pluies d’un orage. En effet, cette chute d’eau naturelle naît du débordement de l’Ibie, rivière en partie souterraine. Le fait que cette cascade soit éphémère la rend encore plus charmante.
Bref, deux petites balades pour aller à la rencontre du site unique de Rochecolombe : voilà une occasion parfaite pour passer un bon moment entre patrimoines naturel et humain.
Le Muséum à Balazuc - La biodiversité du passé
Une visite de la Terre avant l’apparition des hominidés, voilà ce que propose le Muséum de l’Ardèche avec sa collection unique de fossiles tirés de l’ombre des couches sédimentaires du sous-sol ardéchois. En effet, la grande majorité des pièces présentées est ardéchoise et issue de la collection de Bernard Riou. Cet infatigable chercheur a mis à jour la plus ancienne châtaigne locale âgée de plus de huit millions d’années et la plus ancienne pieuvre connue au monde affichant fièrement des cent cinquante-cinq millions d’années ! Il la découvrit en 1982 sur le site de La Boissine à La Voulte-sur-Rhône. Au-delà du spectaculaire, c’est tout un programme de médiation scientifique et d’animations ouvertes à tous qui fait vibrer ce lieu unique.
- www.museum-ardeche.fr
Le château de Vogüé, une longue histoire
Berceau de la famille de Vogüé, ce château fut bâti à la fin du XIIe siècle. Deux siècles plus tard, cette famille le déserte pour fortifier celui voisin de Rochecolombe et s’y installer. Il doit son allure actuelle à la reconstruction intégrale de la fin du XVe siècle. Au début du XVIIe siècle la famille de Vogüé reprend possession de son bien et façonne le château selon la mode du temps. De forteresse il devient résidence agréable à vivre grâce à ses larges fenêtres à meneaux apportant la lumière et un grand escalier desservant confortablement les différents niveaux. Ā partir de cette époque une vaste salle aménagée accueille régulièrement les États du Vivarais. Mais à nouveau au milieu du XVIIIe siècle, il connait l’abandon au profit de celui d’Aubenas, et pendant la Révolution française il est vendu comme bien national. La famille de Vogüé le rachète en 1840, le sauvant d’une ruine annoncée. Une école, dirigée par des sœurs, occupe le lieu jusqu’en 1960, et depuis 1971 l’association Vivante Ardèche en a la garde et la gestion pour l’organisation d’expositions d’art contemporain et de manifestations culturelles. Pour l’art ou pour ses vieilles pierres, la visite en vaut le détour.
- www.chateaudevogue.net
La chapelle de Balazuc et l’art - A la rencontre des artistes
L’association La Haute Roche fut créée en 1982 à l’initiative de Martine Diersé, résidant aujourd’hui au château du Pin à Fabras, autre lieu culturel et patrimonial dont la visite est hautement recommandable. Le but de cette association était d’animer l’église dédiée à Sainte-Marie-Madeleine en y organisant des manifestations culturelles afin de préserver ce bijou de l’art roman. Cet édifice remarquable à deux nefs parallèles, l’une du XIIe siècle et l’autre du XVIIe, se fait discrète au cœur du village, encadrée par des maisons du bourg. Il faut monter le raide escalier extérieur en pierre pour rejoindre son clocher et la vue magnifique qu’il offre. Dans l’espace des deux nefs, chaque année plusieurs expositions se succèdent qui sont autant d’occasions privilégiées pour venir à la rencontre des artistes présents et de découvrir les richesses des expressions artistiques locales ou plus lointaines.
- www.larochehaute.com
Lanas, un village au bord de l’eau - Douceur de vivre
Des deux anciens remparts circulaires qui protégeaient autrefois le village, on peut encore deviner le tracé aujourd’hui. L’espace de la première enceinte abrite les bâtiments les plus anciens, à l’image de son vieux château désormais noyé dans la masse des habitations et dont la présence est seulement trahie par l’élégance de son portail. La seconde enceinte ne fut dressée que deux siècles plus tard, en 1428, pour protéger les maisons des habitants des ravages de la guerre de Cent ans et des méfaits des bandes de routiers sillonnant la région. Depuis toujours, Lanas n’était qu’une paroisse de la commune de Saint-Maurice-d’Ardèche, en face sur l’autre rive. Le 5 juin 1845 Louis-Philippe signa la création de deux communes, chacune sur sa rive de l’Ardèche. Aujourd’hui, le plaisir est grand de se promener au fil des ruelles, des petites places ombragées, des passages voûtés et de s’accorder une pause à l’Enclos avant de gagner le bord de la rivière.
