La mosaïque dans tous ses états.
De son atelier de Saint-Pierre-de-Colombier, au-dessus de la vallée montant au col de Juvinas, Marie Voisin profite d’une généreuse lumière, et celle aussi que dégage ses créations en mosaïque. Mais déjà, après quelques années d’exercice elle est déjà trop à l’étroit. Son atelier déborde !
Lilloise d’origine, Marie Voisin fut pendant quinze ans à son compte, puis salariée en qualité de créatrice de collection de tissus. Mais dans un coin de son esprit, la petite flamme de l’artisanat brûlait doucement jusqu’au jour où, elle croisa le chemin de la mosaïque. C’était à l’occasion d’une exposition et elle tomba en admiration devant un puzzle de matières : "J’avais l’impression que je n’en avais jamais vu auparavant. Les couleurs, les matières, les jeux de brillance et de matité, le relief, tout cela m’attira irrésistiblement. J’ai eu le coup de foudre."
Il allait en être ainsi, Marie deviendrait mosaïste, c'est dit !
Après une approche intellectuelle de cette pratique, temps qui lui permit de lire et lire encore des livres techniques, elle se forma auprès de trois maîtres mosaïstes. L’une pratiquait la sculpture, la seconde travaillait la pâte de verre, très colorée, à plat, et la troisième, le marbre et la pierre, de façon très traditionnelle. Lille, Rennes et Toulouse : elle réalisa un petit tour de France pour parfaire son apprentissage. "J’ai choisi ces trois ateliers parce que j’imaginais déjà ce que je voulais faire. En abordant ces différentes techniques, j’ai pu développer mon propre travail créatif." Oui, parce que, Marie crée et son style est aisément reconnaissable. Elle définit d’ailleurs ses mosaïques comme féminines. Ces créatures en volume semblent vouloir protéger leur progéniture en montrant un aspect intriguant. Quant à son travail à plat, il est composé d’ondes et de courbes, de vibrations. Ce qu’elle met dans ses créations est bel et bien sa féminité.
Depuis peu, Marie incruste de la mosaïque dans du bois, du châtaignier puisqu’il s’agit d’une ressource locale et que ce matériau est noble et chaud, au contraire de l’ardoise qu’elle utilise parfois. Mais, la pâte de verre opaque et vivement colorée est la matière qu’elle préfère travailler, Peut-être grâce à l’intense profondeur qu’elle offre à ses créations. Elle modèle et assemble aussi les émaux de Briare, le grès cérame, les tessons et les anses de poterie, la vaisselle, les galets donnant de la rondeur, le carrelage, bref toute matière utilisable et qu’elle peut détourner de sa fonction première.
Après quatre années d’apprentissage, Marie s’installa en qualité de mosaïste, il y a sept ans déjà, et depuis 2012, elle a investi son atelier Muse Coquelicot sur les hauteurs du village. "Je voulais quitter la ville pour vivre une vie plus naturelle, nous a-t-elle confiés. Maintenant, je sais que l’Ardèche correspond parfaitement à mes attentes." Mais comme pour tout artiste, vivre de ses créations n’est pas chose facile, alors dans son atelier, elle eut l'idée de développer tout un panel d’activités, en marge des expositions artistiques. Elle propose de la décoration intérieure et extérieure, elle réalise des fresques à l’endroit sur filet et à l’envers sur papier pour ensuite les coller sur le support mural d’une maison. Elle imagine des objets utilitaires comme les miroirs, et les bijoux aussi, qu’elle propose lors des marchés et aussi dans la boutique collective de l’association, Le Bocal des Créateurs, à Antraigues-sur-Volane, que ses neufs membres gardent à tour de rôle.
Et puis l’artisanat mène souvent aux portes de l’animation, que Marie a franchies en proposant des temps d’initiation et de perfectionnement à la mosaïque, à des particuliers, en famille, des centres de loisirs et des stages dans son atelier. "Les participants arrivent avec des projets précis et nous passons souvent l’année à leur donner vie, nous précise Marie. Pour exercer la mosaïque, il faut disposer d’un esprit créatif, de patience, d’un sens de l’harmonie, des couleurs, des formes et d’un sens de la géométrie, car la mosaïque est un puzzle qui peut se révéler complexe. Bien sûr, je peux aider à la création, mais j’interviens surtout sur l’apprentissage de la technique." L’animation pour Marie c’est aussi son implication dans l’association "La Tête en Friche", un collectif d’artistes créateurs dont le but est avant tout, la transmission du savoir-faire. Cette association organise des actions autour de la réalisation de sculptures collectives et notamment des prestations médiévales au sein desquelles la mosaïque trouve naturellement sa place.
Ce qui intéresse particulièrement Marie désormais, ce sont les projets d’envergure. Le dernier en date est la réalisation d’une fresque sur deux murs d’une place de Pradons avec Anne Valletta, peintre-graphiste. Soixante mètres carré près de l’église évoquant l’histoire de l’homme, de la préhistoire à nos jours, et le patrimoine naturel de l’Ardèche. "La mosaïque va mettre en valeur certains éléments de chaque personnage de la fresque et des animaux du patrimoine naturel ainsi que les ondes d’un ricochet dans l’eau, précise Marie. Travailler à la préparation de cette œuvre était vraiment stimulant et la réaliser passionnant. Et puis travailler en commun avec une autre artiste était très enrichissant humainement et bien évidemment au niveau créatif." La vie de Marie s’organise de mosaïque en mosaïque, et au fil du temps, les projets et les réalisations devenant de plus en plus intéressants, font se dessiner un large sourire sur le visage de Marie, la mosaïste de Saint-Pierre-de-Colombier.