La crypte à Lagorce

Article paru en mars 2017
Mis en ligne en septembre 2022

Une seule lettre en moins dans la qualification de son utilisation et un ancien bâtiment religieux
se métamorphose en salle de spectacle reconnue aux multiples avantages.
 

Il en est ainsi d’une ancienne église de Lagorce, base de l’édifice actuel, devenue un lieu de rendez-vous du spectacle vivant : la Crypte. Le village de Lagorce jouit d’une position privilégiée à deux pas du sommet belvédère de la Dent de Rez et des profondes et belles gorges de l’Ardèche. Au fil des siècles, l’environnement humain évolua si bien, qu’on dit ici, que le village posséda trois églises, même si une seule aujourd’hui dresse fièrement son clocher en forme de bonnet d’évêque dans le ciel pur du sud. Il ne reste rien de la première église, à peine quelques ruines puisqu’elle fut détruite lors des guerres de religion. À la fin du XVIIe siècle, la seconde église fut édifiée sur la base de la précédente. En contrebas de la route, son emplacement n’était pas idéal et les inondations l’impactaient fréquemment. Vers la fin du XIXe siècle, une troisième église fut érigée juste au-dessus de la seconde. C’est celle-ci qui tomba dans l’oubli et devint la crypte. Sa réhabilitation libéra un vaste espace que la municipalité de Lagorce voulut transformer en lieu culturel pouvant accueillir spectacles, résidences d’artistes et expositions… Et ce qui fut envisagé se réalisa.

Dix mois de travaux après deux années de fouilles archéologiques, pour une ouverture en 2011. Dix mois pour offrir à Lagorce une salle de spectacle présentant un avantage unique : une acoustique formidable grâce à la haute voûte en pierres et au volume de la salle. Le volume oui, car sous l’appellation « crypte », on est en droit d’imaginer un espace confiné sous terre, alors qu’il s’agit en réalité de l’incroyable espace intégral de l’ancienne église. Un tel espace vaste et unique qui offre des qualités indéniables ! Pour preuve, le Quatuor Debussy a récemment enregistré ici son dernier CD, jugeant la Crypte plus valorisante pour le son, qu’un banal studio d’enregistrement. « Pour les artistes, cette salle est comme un joyau », se félicite Nicolas Sbaïz, régisseur de la Crypte.

L’envie de la municipalité de Lagorce est de faire vivre cette salle, de lui donner ses lettres de noblesse par une programmation de qualité. Une programmation éclectique afin que chacun s’y retrouve. N’oublions pas que nous sommes ici, en zone rurale, et une salle dédiée au spectacle vivant ne saurait vivre si elle affichait une spécialisation trop marquée pour quelque art que ce soit. Plusieurs conventions ont été passées avec la Comédie de Valence pour le théâtre, la SMAC et les Cordes en Ballades pour la musique, le festival Danse au Fil d’Avril pour la danse… « L’idée est de pouvoir proposer deux spectacles par mois, hors vacances scolaires car il y a déjà beaucoup de propositions pendant ces périodes », précise Nicolas Sbaïz. Sans oublier bien sûr les six séances annuelles de cinéma en collaboration avec la Maison de l’Image, et tous les quinze jours l’école de danse d’Yvan Gascon qui investit la Crypte, pour répéter et donner son spectacle en fin d’année. Il y avait aussi l’accueil du festival l’Art des Corps, mais pour des raisons propres à ses organisateurs, ce dernier ne sera plus à l’affiche du paysage culturel. La colonne vertébrale de la programmation se construit sur des spectacles achetés, mais bien évidemment, en parallèle, la salle reste toujours disponible à tous ceux qui veulent s’y produire. « La Crypte est à louer pour cent cinquante euros et nous assurons la communication autour du spectacle tandis que les artistes conservent le bénéfice des entrées, explique Nicolas Sbaïz. Ces conditions permettent à des artistes locaux ou des organisateurs de trouver un idéal lieu de diffusion. »

La salle de la Crypte est entièrement équipée pour la lumière et le son, même si des investissements sont prévus à court terme pour améliorer encore les qualités et les potentiels du second poste. L’amélioration du confort des gradins est aussi envisagée. Plusieurs idées sont à l’étude car il est toujours difficile d’allier un aménagement moderne performant avec le respect de l’architecture d’un lieu historique. Cela a d’ailleurs posé des problèmes pour le poste lumière qui ne dispose pas actuellement de rampe de façade, car la pose d’un tel équipement nuirait à l’esthétique de la voûte. « Le seul vrai inconvénient de notre salle est l’absence de coulisses, reconnaît Nicolas, le régisseur. Un projet d’en créer en marge d’une verrière devant recouvrir l’entrée de la salle est évoqué. » Comparé aux qualités de cette salle unique, ce manque n’empêche nullement toujours plus d’artistes de vouloir s’y produire. Les deux chanteurs lyriques, Kate Ladner et Nicolas Todorovic, l’ont apprécié à sa juste valeur dernièrement lors de deux représentations de La Tosca, opéra de Puccini. Et côté public, la Crypte est de plus en plus fréquentée. Sa jauge maximale s’élève à cent cinquante spectateurs, et avec seulement cent trente, le confort d’accueil et d’écoute est parfait. De nombreux spectacles font salle comble, toutefois il est encore besoin de communiquer pour que la fréquentation atteigne son maximum.

S’inscrivant pleinement dans la vie du village, à chaque spectacle, l’organisation et les bénéfices de la buvette sont confiés à une association volontaire de Lagorce. Les artistes et les spectateurs ne manquent pas non plus de visiter les commerces locaux, donc tout le monde est gagnant grâce au développement de la vie de la Crypte.  Nous lui souhaitons donc qu’elle vive longtemps et intensément !
 
En savoir plus
La Crypte, mairie
07150 Lagorce  
Nicolas Sbaïz, régisseur 04 75 88 00 25
 
Un métier polyvalent, celui de régisseur 
Nicolas Sbaïz est devenu en mars 2016 régisseur de la Crypte. Son père était régisseur de la MJC de Bourges, lieu du célèbre Printemps du même nom. Musicien, Nicoasl est arrivé en Ardèche il y a cinq ans et a longtemps travaillé à l’auberge du village. Sa prise de fonction à ce poste correspond à une volonté de développement de la salle, mais son temps de travail est partagé entre la Crypte et le musée de la Magnanerie. Toutefois il consacre une quinzaine d’heures par semaine aux tâches d’aménagement et de fonctionnement de la Crypte. « Ici, je fais tout de A à Z, sourit-il, les démarches auprès des artistes, l’accueil, la création et la diffusion des affiches, la communication, parfois le son et la lumière, l’entretien de la salle, son éclairage, et maintenant la création d’un site internet. C’est un travail véritablement complet qui me plait, même s’il me prend beaucoup de temps. » Pour gérer ce poste, Nicolas Sbaïz a suivi une formation lui permettant d’obtenir la licence d’entrepreneur de spectacles. Désormais il aimerait suivre des formations complémentaires en son et en lumière et rester le plus longtemps possible régisseur de la Crypte.
 
Texte et clichés : Bruno Auboiron