Qui est Georges Perec
Né à Paris, le décès prématuré de ses parents juifs polonais, et l’Histoire, laisseront en lui une empreinte indélébile. Son père, Icek Judko Perez, est mort en 1940 des suites d’une blessure de guerre, alors qu’il était engagé volontaire dans l’armée française. Sa mère, Cyrla, née Szulewicz, prise dans une rafle à Paris, est morte en déportation, comme d’autres membres de sa famille. D’abord à Villard-de-Lans, confié à la Croix-Rouge par sa mère, Georges Perec revient ensuite à Paris en 1945. Son enfance se passe dans sa famille paternelle. Adopté par sa tante, c’est grâce à elle qu’il connaîtra mieux l’histoire de son père, que celle de sa mère, comme il le dit dans W ou le souvenir d’enfance.
En 1960, il se marie avec Paulette Pétras. Tous deux partent en Tunisie où ils ne resteront qu’un an à peine, Georges Pérec ayant obtenu un poste de documentaliste en neurophysiologie au CNRS, en 1961. Il en démissionnera en 1978 pour se consacrer totalement à l’écriture. Le couple divorcera en toute discrétion.
Sa vie est jalonnée de psychothérapies et psychanalyses. En recherche de soi, quête jamais aboutie, l’écriture saura lui donner l’expression de lui-même et de l’existence. Dans Penser/Classer, paru à titre posthume, il parle de cette démarche. Georges Perec partage les six dernières années de sa vie avec la cinéaste Catherine Binet. En 1981, invité par des universités, il voyage en Australie. Atteint d’un cancer des bronches, il meurt à Ivry sur Seine.
Son parcours littéraire :
L’oeuvre de Perec est une succulente variation de styles où sérieux et drôlerie se côtoient, se succèdent, s’opposent et se complètent. Georges Perec est un joueur de mots, un auteur « inclassable », tantôt qualifié de sociologue-moraliste, tantôt de romancier, de rêveur, de poète,…
Lorsqu’il travaille au CNRS, il s’aménage du temps pour écrire. Ses articles paraissent dans les revues littéraires la Nouvelle Revue Française et les Lettres Nouvelles, et dans le périodique Partisans. Mais sa carrière d’écrivain est vraiment lancée en 1965 avec la parution du livre Les choses, pour lequel il obtient le prix Renaudot. En 1966, un autre livre paraît : Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? La même année, il intègre l’Oulipo (« Ouvroir de Littérature Potentielle »), atelier d’écriture expérimentale de François Le Lionnais et Raymond Queneau. Les ouvrages se succèdent, nécessitant inventivité, travail minutieux. Ainsi, La disparition, livre paru en 1969 est écrit sans la voyelle « e », la plus commune. Un exploit ! Tandis que dans Les Revenentes, en 1972, la seule voyelle utilisée est justement le « e ». Dans Le Point, le jongleur de mots, Perec a également tenu une chronique de mots croisés. En 1978, parait La vie mode d’emploi, un pavé de 600 pages, pour lequel il obtient le prix Médicis.
L’écrivain consciencieux, fantaisiste, a également réalisé un travail de dialoguiste pour le film d’Alain Corneau « Série Noire » (sortie en salle en 1979 avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Bernard Blier, Marie Trintignant). En 1980, le César du Meilleur scénario original ou adaptation a été décerné à Georges Perec et Alain Corneau pour ce film.
Sa postérité :
Peu après la mort de Georges Perec, l’ « Association Georges Perec » a été créée fin 1982 par Eric Beaumatin qui avait constitué une collection des œuvres de l’écrivain. Le but de l’association est de : « promouvoir la lecture, l’étude et le rayonnement de l’oeuvre de Georges Perec et de développer, de conserver et exploiter un fonds documentaire qui est sa propriété et dont la vocation est publique ». Les mots ont un sens, s’amuser avec eux a naturellement du sens ! Georges Perec s’est essayé à une large variété de contraintes d’écriture comme : abécédaire, acrostiche, anagramme, isogramme, lipogramme, palindrome, pangramme,… Une écriture toujours renouvelée, exigeante, une expérience où le vécu en filigrane alimente l’imaginaire sans l’écraser. Alphabets, ouvrage paru en 1976 et composé de 176 onzains hétérogrammatiques*, en est un exemple édifiant. Une nourriture pour l’esprit à savourer en découvrant ou redécouvrant cet auteur doué et ses livres de grande qualité littéraire. La saison hivernale est propice à de tels instants…
*Un onzain hétérogrammatique est un poème de cent vingt et une (onze fois onze) lettres. On y emploie les dix lettres les plus fréquemment utilisées en français (AEILNORSTU – Aliénor sut) plus une laissée au choix de l’auteur, disons X pour fixer les idées