Claude Roche

Article paru en janvier 2018
Mis en ligne en juillet 2023

L'univers des masques de scène.

Masque est un de ces mots qui nous semblent pleins de magie… alors tout naturellement, nous avons souhaité faire la connaissance de Claude Roche, célèbre facteur de masques.
 

Une vie au service du théâtre et des masques, Claude Roche se présente comme un artiste atypique. Après New-York, Boston, retour en France. Il porte son regard depuis près d’une décennie en direction de l’Asie du sud-est, tout en restant fidèle à l’Ardèche. Le théâtre de masque s’exporte bien, grâce au talent de Claude Roche.
 
Dans la vaste pièce de la maison, que Claude a bâtie de ses propres mains et où il nous reçoit, les masques et les sculptures en papier impriment une atmosphère qui nous plonge hors du temps. Où sommes-nous réellement, ici ? Dans les coulisses d’un théâtre de masque ? Derrière une porte discrète, l’atelier de fabrication des masques, inondé de lumière. Au centre de ce lieu si singulier, où il y a tant à voir à regarder et à admirer, Claude sourit et raconte simplement l’histoire de sa vie faites de multiples rebondissements. Cinquante années d’art dramatique lui ont donné occasion d’épouser les rôles de comédien, metteur en scène et auteur. Cinquante années à l’issue desquelles, il est peut-être avant tout créateur de masques.
 
Natif d’Annonay, Claude était destiné à devenir serrurier. Bon sang ne saurait mentir ! il suivait la trace de son père. Mais il montra peu d’affinité avec le façonnage du fer et, de rencontres en projets, il s’installa doucement dans l’univers des arts plastiques et du théâtre. Aujourd’hui, avec le recul, il se définit ainsi : « Je suis mu par une trilogie : l’écriture, le théâtre et les arts visuels. Ces trois piliers de mon activité trouvent leur unité dans le masque de théâtre. » Il rencontra le masque en 1967, au cours d’un stage animé par Cyril Dives, créateur de masques d’origine russe, qui fut son premier maître. « Il m’a appris la perfection des formes, l’importance du moindre détail, nous apprend Claude. Le masque touche à l’universel. On ne se cache pas derrière un masque, bien au contraire, on se met à nu. Le port du masque révèle la personne de façon très intime. »
 
L’apprentissage de la fabrication des masques et leur mise en scène sur les planches poussèrent Claude à franchit l’océan Atlantique afin de devenir l’assistant de Peter Schumann du Bread and Puppet à New-York, fondateur de théâtre de rue engagé, avec marionnettes géantes. Un an après, il fondait sa propre compagnie à Boston, The Black Wheat Theater (Le Théâtre du Blé Noir). « Là-bas on m’a fait une totale confiance. En deux mois j’avais une troupe et un théâtre et pourtant je n’avais que vingt-cinq ans. » Disposant de peu de répertoire pour son théâtre de masque, à part des œuvres antiques, Claude se mit à écrire. Le rythme de travail était soutenu avec la création de plusieurs pièces chaque année. Petit à petit, succès après succès, il se forgea une notoriété lui donnant une grande confiance et de l’expérience aussi. Mais comme tout a une fin, et Claude ne le sait que trop aujourd’hui, il dut rentrer en France et repartir de rien pour tout créer à nouveau.
 
« Le masque est l’objet le plus répandu de la Terre, soutient Claude, plus que la roue. Tous les peuples en ont fait usage pour des cérémonies rituelles ou des spectacles. Il était porteur de messages forts. D’ailleurs dès le Moyen-Âge, l’église catholique en a interdit l’utilisation et en Occident c’est la dispersion des comédiens de la commedia dell’arte fuyant pour échapper à la répression de l’église en Italie, qui les a sauvés. Le masque s’est alors répandu partout et je suis même persuadé que Molière a joué avec des masques. » 
 
Claude se montre intarissable sur le sujet, il l’a tant étudié. Grâce à cette vaste connaissance, il a pu tracer son sillon artistique en pleine conscience. Et donc, de retour en France, le Théâtre du Blé Noir a repris vie à Montpellier pendant dix ans. Parallèlement, Claude poursuivit la fabrication de masques pour Jérôme Savary, Maurice Béjart et bien d’autres artistes. Il créa « Comme un grain de sable dans l’univers » en collaboration avec d’autres artistes et cent quatre-vingts enfants. Il envisagea même un moment, l’ouverture d’un Centre d’Art Dramatique à destination des jeunes. Nouveau revers de la vie, il perdit tous les décors, les masques et les archives du Théâtre du Blé Noir dans un incendie. Une page se tournait. Il gagna Paris et se consacra les dix années suivantes à l’écriture.
 
Au milieu des années quatre-vingt-dix, Claude revint à la source ou presque puisqu’il s’installa à Alba-la-Romaine et depuis douze ans à Saint-Pons. Il renoua avec le théâtre en organisant des stages, en créant à nouveau des spectacles, notamment avec l’Hippocampe Théâtre de Viviers, dont il prit un temps la direction. Il mena au fil des ans, une vie trop foisonnante pour être résumée en quelques lignes, mais depuis une dizaine d’années, il travaille en Chine, en Corée et dans d’autres pays du sud-est asiatique. Comment imaginer qu’il resterait à jamais dans son atelier de fabrication de masques ? Cet homme refoule l’immobilité et l'inactivité ! « Mon quotidien ne s’arrête jamais, soit j’écris, soit je sculpte, soit je donne des cours, car le peu que je sais, j’ai envie de le transmettre. » Localement, Claude ne ménage pas son temps non plus, auprès des élèves des collèges et des écoles primaires. Dernièrement, il a fait travailler les étudiants du collège du Teil sur des fables de La Fontaine… Les projets ne manquent pas !
 
« Avec une formation académique, je n’aurais jamais pu suivre le chemin que j’ai tracé, Mais je me sens quand même comme un ovni dans le monde du théâtre. À Boston, j’étais catalogué dans le théâtre de l’étrange. » Cette vie riche et foisonnante, ponctuée de rencontres, de joies et de déceptions, a tout de même connu un fil rouge : la création des masques. Oui, au fait, ne l’oublions pas ! Le masque ; composé d’une vingtaine de couches de papier et de colle de farine, garantissant légèreté et absence d’allergie, l’allure du masque est définie en fonction du personnage qu’il illustre et de son évolution. Le masque se suffit à lui-même pour évoquer une atmosphère, un sentiment, souvent accompagné tout de même par le costume comme indispensable complément du personnage. Il en va ainsi de la vie de Claude Roche.
 
Facteur de masques, Claude Roche nous fabrique du rêve.

Claude Roche
Le mas
07580 Saint-Pons
Tél. 04 75 35 46 03
www.masquesdetheatre.fr

À lire
 
Passionné par son sujet, Claude Roche est l’auteur d’un essai ayant pour titre « Le masque et l’au-delà ». Au fil des pages, il pose la question des rapports entre le masque et la mort, la vie, les différentes sociétés, ses multiples utilisations…
 
Juste un court extrait : « Le masque et la mort ont toujours fait bon ménage. Ils sont si reliés qu’on les prend parfois l’un pour l’autre. Qui ou que cache le masque ? Qu’est-ce qui se révèle à travers le masque : l’omniprésence de la mort ou l’éternité de la vie ?... Je vous propose ici une simple réflexion de praticien du masque, je ne suis pas ethnologue, ni philosophe. Je suis homme et pour cela je me pose la question de la mort en tant qu’acteur masqué et spectateur, or les masques ne cessent de me fasciner. Pourquoi ?... »
 
Cet essai est disponible directement chez l’auteur.

Texte et clichés : Bruno Auboiron