Brigitt Fleury

Article paru en octobre 2016
Mis en ligne en juillet 2022

Dans l’atelier de verre s’ouvrant sur une nature de calcaire à Balazuc, la création, Brigitt Fleury la possède au bord de l’âme, au bout des mains. À moins que ce ne soit la création qui possède cette artiste plasticienne.

Et c’est sans aucun doute son mari Jean-Michel, graphiste et ancien professeur des métiers d’art, qui définit le mieux sa femme : "Elle a toujours su garder l’état d’esprit de sa jeunesse, les idées qui fusent continuellement, passant de l’une à l’autre sans transition, et qu’elle exploite artistiquement et toujours avec un certain bonheur. Elle est la spontanéité personnifiée, un artiste qui appuie sa création sur tout ce qu’elle a vu, lu, écouté, observé et vécu."

Installée dans les années soixante-dix au cœur du quartier en devenir de La Défense, elle a vécu une intense et active vie associative, ouverte aux autres, tout en exerçant son art de la peinture et de l’illustration. Les temps forts de sa carrière furent ses illustrations sur les écrits de François Villon, les cinquante-six affiches sur le thème de l’homme et la biosphère pour l’Unesco, et son exposition de sculptures en papier, au Grand Palais.
Longtemps, ses tableaux grand format étaient exposés et vendus à Drouot. "Je ne me plains pas, j’ai bien vécu de ma création et j’ai toujours eu de la chance pour obtenir des contrats sur concours, reconnaît-elle. J’ai aussi touché à la céramique, à la mode aussi, bref ma vie artistique fut variée et l’est encore aujourd’hui."
Sans renier sa vie parisienne, puisque elle y peint toujours dans la solitude de son atelier, alors qu'elle sculpte dans l’animation d’un club pour l’échange et l’amitié, son besoin et son envie d’eau et de soleil l’ont poussée avec son mari à s'installer à Balazuc. D’une ruine, ils en ont fait un véritable antre dédié à l’art et à l’inventivité, au plaisir de vivre et de recevoir aussi. Point d’orgue du lieu, une pièce voûtée offre un  foisonnement sans fouillis, une abondance qui n’exclut nullement la surprise. On pourrait rester là des heures …  Mais Brigitt ne reste jamais en place. Elle pense, elle agit. Avec quelques os trouvés autour de la maison dans les fissures des rochers, elle a imaginé le balazucosaure, un animal préhistorique du XXe siècle. Partout où porte notre regard, une œuvre ! Même jusqu’au bracelet métallique de sa montre qui après quelques coups de marteau bien inspirés, devient unique. "Je ne sais pas me cantonner à un seul exercice, ce serait réducteur, nous confie t-elle. Je produis beaucoup et je me laisse du temps pour réfléchir si je garde ou non. Mon mari me donne aussi son avis sur ce qui mérite d’être conservé. Mes pensées vont toujours plus vite que mes mains." Ses œuvres traduisent une grande tendresse. Elles évoquent l’humain, l’élégance, pas la beauté stéréotypée et codifiée, mais la beauté intérieure, celle que l’on ressent, que l’on devine.
Le travail de création qui a profondément marqué Brigitt et qui sans doute est le plus représentatif de sa sensibilité fut l’exposition "Putain de Terre" qu’elle présenta en 2009 au château d’Aubenas et qu'elle présentera bientôt à Paris. Par cette série de sculptures posées sur des socles et auxquelles les peintures servent de toiles de fond, elle a voulu être témoin de son temps. Elle a voulu créer quelque chose qui corresponde à ce que notre humanité nous donne à vivre. Elle ne peut se contenter de rester à la marge de ce qui se passe autour d’elle. Sa sensibilité absorbe et sa création retransmet jusqu’à l’indigestion parfois. Brigitt développe un art sensible et sans concession. « Je voudrais donner une suite à cette exposition, précise-t-elle. Aujourd’hui cela s’impose doucement. Je n’ai jamais eu de plan de carrière, je fonctionne à l’instinct. Mais là l’indignation face à ce que nous vivons quotidiennement, ce que je ressens, j’ai besoin de le traduire. Je ne sais pas encore comment. »
Pas de volonté de laisser une trace durable chez Brigitt Fleury, non, juste une empreinte éphémère et d'essayer de créer une émotion.

En savoir plus
www.brigittfleury.fr
bfleury50@laposte.net

Brigitt, sans le « e » n’est pas une coquetterie d’artiste, mais une trouvaille graphique qui s’est imposée à la signature des toiles.

Texte : Bruno Auboiron
Clichés : Bruno Auboiron, Collection Jean-Michel Fleury