La générosité bien ancrée.
Alexandra Guibert signe Alex. Elle est artiste auteure, elle préfèrerait se dire artiste libre. Oui mais, le plus important est la générosité et l’humanité qu’elle développe à la pointe de ses pinceaux et ses crayons.
Impossible de définir en un mot Alexandra Guibert. Son parcours de vie est atypique, son parcours artistique étonnant. Cette Grenobloise d’origine est arrivée en Ardèche, il y a longtemps déjà. Mille métiers, mille vies, mais toujours une ligne directrice. « Il me faut me lever le matin pour faire quelque chose qui me plait, nous annonce-t-elle, dans un grand sourire. C’est cela la vie, car ce qui m’angoisse c'est d’être obligée de travailler pour travailler. Non je veux travailler pour le plaisir ». Travaillant en régie théâtre, aide éducatrice au collège de Vals-les-Bains où elle s’est épanouie avec les ados dans la pratique artistique, derrière un micro à Fréquence 7, redonnant naissance avec son compagnon d’alors au bar Le Panorama, avec l’organisation de centaines concerts, Alexandra a (presque) tout fait, peut tout faire mais seulement avec l’envie et le plaisir. « Mais en fait, tout cela était assez immatériel, j’avais besoin d’ancrer ma vie dans le concret, de faire quelque chose qui reste », poursuit-elle et de nous surprendre : « J’ai continué avec un CAP de second œuvre dans le bâtiment. »
Alors bien évidemment, un tel parcours ne peut être linéaire, il est fait de haut et de bas. À l’occasion d’une période de flottement, comme elle la définit elle-même, Alexandra s'est mise à la peinture. Depuis l’enfance elle dessinait, comme les ados sur le bord du cahier. Elle s’essayait aussi aux portraits des copines. « Tous les enfants possèdent ce sens de l’observation et la contemplation qui peuvent se traduire par le dessin, sauf lorsque les adultes leur coupent l’herbe sous le pied », assure-t-elle. C’est en reformatant un jeu pour une structure, qu’Alexandra s’est rendu compte que finalement le dessin et la peinture sont les deux seules choses qui comptent vraiment pour elle. Alexandra était capable soudainement d'y consacrer des journées entières. Alors, il y a deux ans, elle osa lâcher prise et peindre sa première toile. C'est son fils qui l’encouragea à poursuivre, et c'est peut-être juste le coup de pouce qui lui manquait ?
« J’ai toujours marqué d’une façon ou d’une autre la journée des droits des femmes. L’esclavagisme sexuel et la violence faite aux femmes me révoltent, s’anime Alexandra. Par exemple, des hommes qui vénèrent leur mère et salissent leur femme, je ne savais que faire de cet écart émotionnel. Parallèlement je suis très attachée à l’idée de la religion et attirée par les icônes et un jour, je me suis entendue dire : tu ne vas pas peindre des saints pour mettre tout le monde d’accord ! » Alexandra sut saisir au bond le jeu de mot et se mit à peindre une galerie de seins, et non de saints. En supprimant la notion érotique du sein, celui-ci représente le réconfort, la maternité, l’importance primordiale de la place de la femme dans toutes les sociétés. Le succès fut au rendez-vous et avec d’autres artistes, l’idée fut évoquée de créer un atelier ouvert au public à deux pas de l’église d’Aubenas. Ce projet vit le jour, mais les aléas de la vie firent que ce lieu est devenu uniquement celui d’Alexandra.
Poursuivant son travail d’expression picturale en explorant le nu féminin, Alexandra réalise des autoportraits à partir de selfies ; tableaux expressifs aux tons d’ocre de la Terre. « Ce qui m’intéresse en travaillant le nu, c’est le regard de l’autre, l’impudeur qui s’y cache parfois, avoue-t-elle. J’ai posé pour des peintres et cela m’a permis de dépasser mes réserves en ce domaine.» Aujourd’hui, ce qui pousse vraiment Alexandra c’est le dessin et la peinture pour les enfants. Elle a réalisé plusieurs séries de cartes postales, dont une très belle sur les chouettes. Et grâce à cette série, un de ses vœux s’est exaucé : être publiée par les Éditions des Correspondances. Plusieurs de ses chouettes figurent désormais au catalogue, et elle travaille en ce moment sur d’autres thèmes, notamment une série mettant en scène une souris verte et un chat bleu. Aucune naïveté dans cette nouvelle série, mais une intention affirmée de lutter contre les discriminations et l’intolérance. « J’aimerai mettre en place un atelier d’arts plastiques et y faire venir des enfants de tous les horizons pour faire tomber les barrières sociales et les préjugés, pour qu’ils deviennent des adultes ouverts, s’enthousiasme Alexandra. N’oublions jamais qu’en France nous sommes en très grande majorité issus de l’immigration depuis moins d’un siècle. Le racisme est une insulte à nos ancêtres.»
Cette envie généreuse, dépassant largement le cadre artistique, où s’exprime toute l’humanité d’Alexandra se concrétisera peut-être à la maison de quartier de Pont-d’Aubenas. Pour cette artiste donner est tellement plus fort que dessiner… Les vingt-quatre heures de la peinture qu’elle organisa sur la place du château pour le Téléthon, son soutien depuis deux ans au projet Vénus, relatif au dépistage du cancer du sein chez la femme et chez l’homme, apportent de l’eau au moulin de son humanité et de sa générosité.
Souhaitons que le temps ne change pas Alexandra, et que sa peinture soit toujours le prétexte à donner et à partager. Nous en avons tellement besoin.