C'était en 1924
[i]. Pour réaliser cet exploit, accompagnée de son fils adoptif, le lama Aphur Yongden, elle s'était travestie en mendiante, affrontant avec témérité les obstacles et situations périlleuses. De nature géographique, climatique (« nuit de gel à quelque 4500 mètres d'altitude, alors qu'une tempête fait rage »), humaine (rencontres de brigands,...), alimentaire (« les chiens de mon père n'auraient jamais voulu avaler un pareil brouet
[ii] ! ») etc., les difficultés se sont succédées sans pour autant entamer la volonté de l'exploratrice-ethnologue. On était bien loin dans ces temps-là des raids aux logistiques hyper sophistiquées et le mérite en est donc encore plus grand.
Partie en 1911 pour 18 mois d'études en Inde (recherches sur les religions et philosophies orientales) avec l'approbation de son mari, elle n'est revenue que 13 ans après. Impensable à son époque. Pourtant, elle l'a fait ! Une correspondance régulière tenait son époux informé de ses pérégrinations en Extrême Orient (voir Journal de voyage).
Le tempérament globe-trotter d'Alexandra David-Néel s'est confirmé par la suite. En effet, l'intrépide aventurière est repartie pour l'espace oriental qui lui était cher à l'âge où d'autres aspirent à la tranquillité, tricotent, font des mots croisés, confectionnent des gâteaux... Elle était âgée de 69 ans.
Et que dire, lorsque quelques années après, dans un optimisme sans faille, elle avait fait une demande de renouvellement de son passeport, à 100 ans. Chapeau bas, Madame !
Mais qu'elle était donc sa motivation, son moteur ?
Passion de vastes horizons, envie de braver l'interdit, orgueil de prouver que rien ne pouvait lui résister, défi de toujours pousser plus loin les limites, être là où on ne l'attendait pas ? Sans doute, avant tout, le besoin irrépressible de liberté. Elle l'avait d'ailleurs très tôt affirmé en modifiant son prénom qui était Louise Eugénie Alexandrine Marie en Alexandra, pour se démarquer de sa mère, Alexandrine. Et pour réussir dans ses entreprises, elle était indéniablement dotée d'une audace pratiquement sans limite et d'une énergique détermination.
Les récits
[iii] de ses expéditions nous transportent dans un monde aujourd'hui quasiment disparu. Ils retracent une épopée fabuleuse, réalisée dans des conditions parfois rocambolesques (à dos de mule, de yak et à pieds), dangereuses mais aussi burlesques. A certains moments, les écrits paraissent purement imaginaires pourtant ce sont les précieux témoignages de traditions ancestrales, de peuples, de contrées lointaines. D'autres ouvrages ont une connotation plus spirituelle comme notamment Mystiques et magiciens du Tibet, Le bouddhisme du Bouddha. L'oeuvre littéraire d'Alexandra David-Néel est abondante.
Indépendante, ayant exercé plusieurs métiers (professeur de religions comparées, journaliste, chanteuse d'opéra, directrice artistique du Casino de Tunis, écrivaine), Alexandra David-Néel, décédée à 101 ans, était une femme hors du commun. Un électron libre qui a mené une vie d'études, d'écriture et de voyages ! Alexandra David-Néel laisse une œuvre volumineuse, brillante, étonnamment variée qui continue à passionner et touche de plus en plus de lecteurs. Certains livres sont régulièrement traduits à l’étranger.
A Digne-les-Bains, dans les Alpes de Haute-Provence, la Maison Alexandra David-Néel : "Samten Dzong", ce qui signifie « forteresse de la méditation », a été transformée en musée. Allez-y, la visite du musée est GRATUITE,
vous serez certainement conquis (pensez à vous renseigner sur les horaires d'ouverture).