Le bois de Païolive

Article paru en juillet 2022
Mis en ligne en juillet 2022

C’est à pied que le bois de Païolive s’arpente. Véritable labyrinthe minéral et végétal, hors des sentiers battus, même pour celui qui connaît bien cette forêt, il est aisé de s’y perdre. 

Quelqu’un a dit ou écrit un jour : « Le bois de Païolive est l’inattendue mémoire d’une mer disparue. » Comment mieux définir ce site, car effectivement les rochers ruiniformes se dressant aujourd’hui dans le ciel pur composaient autrefois, il y a si longtemps, le fond d’une mer désormais oubliée.

Dépôt et dissolution
à l’origine, il y a 135 millions d’années, la lente sédimentation des coquillages et autres dépôts formait en ce lieu un socle calcaire de 200 m d’épaisseur. Puis la mer se retira. Par la suite, les mouvements de la croûte terrestre, comme l’élévation des grands massifs montagneux par exemple, fracturèrent ce socle calcaire. L’érosion prit la suite et la dissolution de la roche calcaire par l’eau chargée de gaz carbonique a donné naissance à cet environnement karstique unique. Cette érosion permit à la végétation de trouver suffisamment d’éléments nutritifs dans le sol pour s’épanouir. C’est ainsi qu’est né le bois de Païolive.
Environnement naturel, mais surtout environnement magique, un bois habité par l’esprit des fascinantes sculptures de pierres telles le cavalier ou le combat du lion et de l’ours, à moins que ces deux là ne vivent une éternelle étreinte. Certains viennent ici pour communier avec la pierre à laquelle ils attribuent d’étonnants pouvoirs énergétiques et spirituels. Ils enlacent la pierre, marche pieds nus sur elle ou se couchent de tout leur long sur ces dalles…

Les arbres serpents
La magie de cette forêt restée très sauvage se traduit donc par le mariage du bois et de la pierre. Partout, des chênes plusieurs fois centenaires ont su se faufiler vers la lumière. Ils ont rampé, contourné la pierre, suivi leur moindre caprice ; les botanistes les nomment les arbres serpents. Même leurs racines ont épousé la pierre, l’enserrant et se faufilant dans la moindre petite faille à la recherche de l’eau. Mais finalement, est-ce un mariage ou un combat dont l’issue est toujours incertaine et jamais définitive? Ces très vieux chênes peuvent atteindre 25 m de hauteur pour les plus vaillants, mais souvent ils ne dépassent pas la moitié de cette respectable taille.
La magie du bois de Païolive se trouve aussi dans les lichens pendant des branches des arbres, dans le tapis de mousses et de fougères recouvrant les parois calcaires des canyons miniatures. Elles vivent là de l’humidité, envahissant cet espace intermédiaire entre la surface surchauffée en été et le monde souterrain où elles ne survivraient pas.

Des grottes et des chauves-souris
Sous la surface du bois de Païolive, l’eau a poursuivi son œuvre de destruction de la pierre. Plus de deux cents grottes façonnent un sous-sol où l’eau continue de couler en rivières souterraines dans des boyaux inaccessibles. Parmi ces grottes, celle de la Côtepatière offre ses 300 m de visite de concrétions toutes plus belles les unes que les autres. C’est Jules de Malbos qui la découvrit en 1830. Cette grotte est toutefois plus fréquentée par les chauves-souris que par les hommes. Dix-sept espèces de ces « mammifères-oiseaux » y ont été recensées ; elles comptent parmi les 5 000 espèces répertoriées de l’ensemble de la faune du bois de Païolive. Certains scientifiques estiment qu’il en reste encore autant à découvrir.
Outre les chênes, bien d’autres arbres poussent à Païolive : figuier, genévrier, micocoulier, pistachier térébinthe dont on faisait de l’encens avec l’écorce, et d’autres encore… Si le bois de Païolive ne peut être considéré comme une forêt primaire, elle est tout au moins une forêt très ancienne car l’homme n’a jamais pu en exploiter les ressources autrement qu’à la marge à cause d’un terrain trop accidenté. Bien sûr, au fil des siècles il a poussé ses troupeaux à pâturer sous le couvert des arbres, il a réalisé quelques coupes pour le bois de chauffage, mais son impact fut très modéré. C’est cette caractéristique qui a sauvé la grande richesse de la biodiversité de ce site.
La seule implantation humaine permanente dans le bois de Païolive fut celle de l’ermitage Saint-Eugène dès le IXème siècle. Sans doute ces ermites du temps passé avaient-ils déjà compris, comme l’affirmait saint Bernard : « Crois-en mon expérience : tu trouveras quelque chose de plus dans les bois que dans les livres. Les arbres et les rochers t’enseigneront ce que tu ne pourrais apprendre des plus grands maîtres. »

S’Y RENDRE
Le bois de Païolive, géographiquement et topographiquement, s’étale sur trois communes : Berrias-et-Casteljau, Bannes et Les Vans.
A faire, à voir
Les gorges du Chassezac et le cirque d’Endieu, les ruines du château de Bannes…
Renseignements 
www.bois-de-paiolive.org et www.cevennes-ardeche.com 
Pratique  
Il existe trois sentiers balisés parcourant le bois de Païolive et il vaut mieux les emprunter que partir à l’aventure : le sentier de la Vierge (1h30), celui de l’Ermitage (2h30) et celui de la Corniche (2h00). Si les deux premiers se déroulent exclusivement en forêt, le troisième flirte avec les gorges du Chassezac au-dessus d’un à-pic d’une centaine de mètres, attention aux chutes ! Le sentier de la Vierge a notre préférence ; il débute au parking central. Pour ceux qui ne souhaitent pas marcher trop longtemps, le parking à la sortie du bois entre les Vans et Bannes sur la route de Berrias offre une approche rapide jusqu’aux rochers de l’Ours et du Lion.

Texte et clichés : Bruno Auboiron