La hêtraie de Borée

Article paru en juillet 2022
Mis en ligne en juillet 2022
Il en est de la hêtraie à Borée comme de toutes les hêtraies de la Montagne Ardéchoise et des autres montagnes, mais à Borée, le plus vieil hêtre d’altitude d’Europe affiche fièrement ses quatre siècles et plus. Avant les premières maisons du hameau du Bois, sur la gauche en contrebas du chemin, il se dresse au-dessus de tous les autres arbres, les met dans l’ombre. 

Les deux pieds bien ancrés dans le sol face à ce vieil arbre, en pleine vigueur, on ne peut que se sentir bien petit et modeste. Ses dimensions, son ampleur et l’idée du temps et des épreuves qu’il a vécu forcent le respect. Il se dit que méditer à son pied apporte la sérénité et le calme, aide à retrouver la confiance en soi. Le hêtre est une bénédiction de la nature…

Règne sans partage
La hêtraie est une forêt où les hêtres occupent l’espace sans partage. Mais souvent ils acceptent la présence des sapins pectinés et alors on évoque la hêtraie-sapinière. Ce sont toutes les deux des forêts typiquement montagnardes qui abondent en Montagne Ardéchoise. Leur mixité ne favorise pas la croissance d’une flore abondante à leurs pieds ; en cause l’acidité du sol due aux aiguilles des sapins et la lente décomposition des feuilles des hêtres. Peu de plantes, mais des champignons comme les lactaires, amanites, russules et cortinaires !
Ce type de forêt fut souvent source d’inspiration pour les poètes et les artistes ; il se dit que c’est au sein de la hêtraie de Reinhard en Allemagne que les frères Grimm auraient eu l’idée du conte «La belle au bois dormant ». Sans doute est-ce dû à la différence de lumière sous les sapins et sous les hêtres, au jeu des rayons du soleil faisant briller les feuilles et les aiguilles, aux troncs tordus des arbres, véritables caprices de la nature. La présence du lichen sous toutes ses formes est aussi un élément très inspirant pour celui qui sait se laisser bercer par la fantaisie de la nature.

Bois mort source de vie
Outre la magnifique Rosalie des Alpes, insecte coléoptère gris et bleu ne vivant que sur les troncs des hêtres, la faune est foisonnante sous le couvert de ces forêts. Martre, chouette de Tengmalm, pic noir, orvet, grenouille rousse, salamandre tachetée, sans oublier bien sûr les sangliers qui se régalent aussi des faînes des hêtres. Il est important de laisser du bois mort dans la forêt car ce dernier est une source de nourriture et le refuge de bon nombre d’insectes et de petits animaux. Le bois mort est source de vie. Se promener sous le couvert de la hêtraie à Borée ou ailleurs, au milieu d’une cathédrale végétale dont les piliers sont les troncs des hêtres parfois centenaires et les vitraux, le jeu du soleil dans les branchages aérés, offre parfois de belles rencontres avec la faune locale, pourvu qu’on soit discret. Seule la Rosalie des Alpes se fait particulièrement rare et il faut passer de longues heures à observer le tronc des hêtres pour espérer l’apercevoir.
Ces hêtraies-sapinières ont souvent pris la place en montagne d’anciens pâturages lors des grands travaux de reboisement de la fin du XIXème siècle. Elles sont aujourd’hui à maturité et la régénération naturelle des arbres peut être assurée, alors la forêt joue pleinement son rôle d’habitat pour la faune et non de productrice de bois, rôle que l’homme lui assigne trop souvent sans discernement.

S’Y RENDRE
Pour monter à Borée, il faut emprunter une petite route depuis Lachamps-Raphaël puis Saint-Martial ou par le pied du mont Gerbier-de-Jonc.
A faire, à voir
Le sommet du Mont Gerbier-de-Jonc et les sources de la Loire, 
le Tchier de Borée, la ferme de Bourlatier, le lac de Saint-Martial…
Renseignements : www.boree.fr
Pratique 
Le hêtre remarquable de Borée se situe à l’entrée du hameau des Bois, sur la route de Chanéac que l’on emprunte en passant devant le cimetière de Borée. Pour se perdre dans une hêtraie, à Borée ou ailleurs, il suffit de partir sur les petits chemins forestiers de la montagne.

Texte : Bruno Auboiron
Clichés : Bruno Auboiron, Anissa Jenecourt