La forêt et la tourbière

Article paru en juillet 2022
Mis en ligne en juillet 2022

Sur les hauteurs du massif du Tanargue, là où l’esprit de Taramis veille depuis des temps immémoriaux, la forêt se fait belle et profonde. Sous les grands arbres, de feuillus en résineux, le tapis de myrtilles s’étale mollement tandis que les fougères ondulent leur vert tendre au gré du souffle d’un vent léger…

Dans la pente sous le sommet du Grand Tanargue, dans une trouée de nature, une tourbière de pente joue le rôle d’une éponge géante. Ce milieu est fragile et pour le découvrir sans l’impacter, un sentier sur ponton semble flotter au-dessus de la zone humide. Quant aux pelouses d’altitude et aux chaos rocheux, ils ne sont jamais bien loin.

Eponge géante
Depuis la petite station familiale de la Croix de Bauzon, avec pour fil conducteur la vieille forêt de l’ancienne abbaye des Chambons, le chemin mène tout d’abord vers la tourbière des Mayes. à mi-pente, l’eau de ruissellement, l’eau du ciel est retenue par le tapis de sphaignes de la tourbière. En suivant scrupuleusement le ponton passant au-dessus de la zone humide, quelques panneaux d’information livrent les secrets de ce milieu fragile et unique.
Puis rapidement, la balade gagne en altitude pour rejoindre le sommet du Grand Tanargue à 1 511 m d’altitude, qui offre un point de vue circulaire sans limite où la silhouette massive du Mont Lozère se découpe sur l’horizon. Ce sommet et le massif dont il est le point culminant, tirent leur nom de l’association de deux dieux celtes : Arga, dieu de la montagne et Taranis, dieu du ciel et du tonnerre.

Laisser faire la nature
Suit la prairie humide de Rieu Grand. Une prairie humide n’est pas une tourbière, son fonctionnement est différent. Elle est recouverte d’herbe se développant au bord d’un cours d’eau, d’une tourbière ou d’un plan d’eau. L’eau n’y est pas présente en permanence mais elle bénéficie de la moindre montée de l’eau dans son environnement proche. Dans ses hautes herbes, les insectes sont nombreux, de même que les oiseaux…
Les richesses de la faune et de la flore sont soulignées au sein de la forêt des Chambons par la création d’une réserve biologique intégrale de 70 hectares sur une partie de son territoire de 1 100 hectares, depuis 2014. Réserve intégrale est synonyme d’une évolution sans contrainte et sans intervention humaine sur ce secteur et sans limitation dans le temps, bref, on laisse faire la nature. Et elle se débrouille très bien sans nous. « Cette forêt est par endroit très ancienne, assure Pierre Joly, un spécialiste en ce domaine. Ce sont les moines de l’abbaye des Chambons, aujourd’hui disparue, qui l’ont développée et nous l’ont laissée comme un héritage. » Pour certains, la présence des forêts autour des abbayes médiévales permettait aux moines de créer une zone de transition avec la vie profane. Et quelques zones semblent ne jamais avoir connu les affres du défrichement depuis près de mille ans.

Une très vieille forêt
La forêt des Chambons est une classique hêtraie-sapinière où des sapins venant des Pyrénées ont été plantés il y a quelques décennies. Elle a conservé de très nombreux vieux arbres jusque dans les années 90, avant que l’exploitation des plus gros arbres ne s’intensifie. Aujourd’hui, la vieille forêt représente un cinquième de sa superficie totale. « Sous ces frondaisons, s’épanouit une mousse caractéristique des vieilles forêts humides riches en bois mort et quelques 300 espèces de lichens dont certains devenus assez rares », se réjouit Pierre Joly.
Avec un peu de chance et beaucoup de patience et de silence, vous pourrez peut-être apercevoir la bécasse des bois, le grimpereau des bois ou encore le pic noir, tous nicheurs dans cette vieille forêt… Et à la nuit tombante, sortent les elfes et autres farfadets, mais moi, je n’en ai jamais vus !

S’Y RENDRE
La petite station de la Croix de Bauzon se situe à deux pas du col éponyme sur la route entre La Souche et St-Etienne-de-Lugdarès.
A faire, à voir
L’église polychrome de Saint-étienne-de-Lugdarès, nommée la cathédrale des montagnes, les ruines altières du château de Borne, le petit village de Loubaresse…
Renseignements
www.croixdebauzon.com et
www.ardeche-otcevenneetmontagne.com
Pratique  
Le sentier thématique de Taranis Arga, avec ses nombreux panneaux d’information, propose une belle déambulation de deux heures entre tourbière et forêt profonde, sans oublier un petit aller-retour jusqu’au sommet du Grand Tanargue. Il est aisé et accessible à tous.

Texte et clichés : Bruno Auboiron